L'Assommoir

L'Assommoir (paragraphe n°672)

Partie : Préface de l'auteur, chapitre IV

Les après-midi où Coupeau s'ennuyait, il montait chez les Lorilleux. Ceux-ci le plaignaient beaucoup, l'attiraient par toutes sortes de prévenances aimables. Dans les premières années de son mariage, il leur avait échappé, grâce à l'influence de Gervaise. Maintenant, ils le reprenaient, en le plaisantant sur la peur que lui causait sa femme. Il n'était donc pas un homme ! Pourtant, les Lorilleux montraient une grande discrétion, célébraient d'une façon outrée les mérites de la blanchisseuse. Coupeau, sans se disputer encore, jurait à celle-ci que sa sœur l'adorait, et lui demandait d'être moins mauvaise pour elle. La première querelle du ménage, un soir, était venue au sujet d'Etienne. Le zingueur avait passé l'après-midi chez les Lorilleux. En rentrant, comme le dîner se faisait attendre et que les enfants criaient après la soupe, il s'en était pris brusquement à Etienne, lui envoyant une paire de calottes soignées. Et, pendant une heure, il avait ronchonné : ce mioche n'était pas à lui, il ne savait pas pourquoi il le tolérait dans la maison ; il finirait par le flanquer à la porte. Jusque-là, il avait accepté le gamin sans tant d'histoires. Le lendemain, il parlait de sa dignité. Trois jours après, il lançait des coups de pied au derrière du petit, matin et soir, si bien que l'enfant, quand il l'entendait monter, se sauvait chez les Goujet, où la vieille dentellière lui gardait un coin de la table pour faire ses devoirs.

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