L'Assommoir

L'Assommoir (paragraphe n°594)

Partie : Préface de l'auteur, chapitre IV

Coupeau, cette nuit-là, ne dormit guère. Il avait couvert le feu du poêle. Toutes les heures, il dut se relever pour donner au bébé des cuillerées d'eau sucrée tiède. Ça ne l'empêcha pas de partir le matin au travail comme à son habitude. Il profita même de l'heure de son déjeuner, alla à la mairie faire sa déclaration. Pendant ce temps, madame Boche, prévenue, était accourue passer la journée auprès de Gervaise. Mais celle-ci, après dix heures de profond sommeil, se lamentait, disait déjà se sentir toute courbaturée de garder le lit. Elle tomberait malade, si on ne la laissait pas se lever. Le soir, quand Coupeau revint, elle lui conta ses tourments : sans doute elle avait confiance en madame Boche ; seulement ça la mettait hors d'elle de voir une étrangère s'installer dans sa chambre, ouvrir les tiroirs, toucher à ses affaires. Le lendemain, la concierge, en revenant d'une commission, la trouva debout, habillée, balayant et s'occupant du dîner de son mari. Et jamais elle ne voulut se recoucher. On semoquait d'elle, peut-être ! C'était bon pour les dames d'avoir l'air d'être cassées. Lorsqu'on n'était pas riche, on n'avait pas le temps. Trois jours après ses couches, elle repassait des jupons chez madame Fauconnier, tapant ses fers, mise en sueur par la grosse chaleur du fourneau.

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