L'Assommoir
L'Assommoir (paragraphe n°538)
Partie : Préface de l'auteur, chapitre III
La soirée était gâtée. On devint de plus en plus aigre. Monsieur Madinier proposa de chanter ; mais Bibi-la-Grillade, qui avait une belle voix, venait de disparaître ; et mademoiselle Remanjou, accoudée à une fenêtre, l'aperçut, sous les acacias, faisant sauter une grosse fille en cheveux. Le cornet à pistons et les deux violons jouaient, Le Marchand de moutarde, un quadrille où l'on tapait dans ses mains, à la pastourelle. Alors, il y eut une débandade : Mes-Bottes et le ménage Gaudron descendirent ; Boche lui-même fila. Des fenêtres, onvoyait les couples tourner, entre les feuilles, auxquelles les lanternes pendues aux branches donnaient un vert peint et cru de décor. La nuit dormait, sans une haleine, pâmée par la grosse chaleur. Dans la salle, une conversation sérieuse s'était engagée entre Lorilleux et monsieur Madinier, pendant que les dames, ne sachant plus comment soulager leur besoin de colère, regardaient leurs robes, cherchant si elles n'avaient pas attrapé des taches.