L'Assommoir
L'Assommoir (paragraphe n°495)
Partie : Préface de l'auteur, chapitre III
Oh ! ça ne l'embarrassait pas, il rattraperait les autres ; et il redemanda trois fois du potage, des assiettes de vermicelle, dans lesquelles il coupait d'énormes tranches de pain. Alors, quand on eut attaqué les tourtes, il devint la profonde admiration de toute la table. Comme il bâfrait ! Les garçons effarés faisaient la chaîne pour lui passer du pain, des morceaux finement coupés qu'il avalait d'une bouchée. Il finit par se fâcher ; il voulait un pain à côté de lui. Le marchand de vin, très inquiet, se montra un instant sur le seuil de la salle. La société, qui l'attendait, se tordit de nouveau. Ça la lui coupait au gargotier ! Quel sacré zig tout de même, ce Mes-Bottes ! Est-ce qu'un jour il n'avait pas mangé douze œufs durs et bu douze verres de vin, pendant que les douze coups de midi sonnaient ! On n'en rencontre pas beaucoup de cette force-là. Et mademoiselle Remanjou, attendrie, regardait Mes-Bottes mâcher, tandis que monsieur Madinier, cherchant un mot pour exprimer son étonnement presque respectueux, déclara une telle capacité extraordinaire.