L'Assommoir
L'Assommoir (paragraphe n°431)
Partie : Préface de l'auteur, chapitre III
Cela fit rire. Mais la mauvaise humeur grandissait. Ça devenait crevant à la fin. Il fallait décider quelque chose. On ne comptait pas sans doute se regarder comme ça le blanc des yeux jusqu'au dîner. Alors, pendant unquart d'heure, en face de l'averse entêtée, on se creusa le cerveau. Bibi-la-Grillade proposait de jouer aux cartes ; Boche, de tempérament polisson et sournois, savait un petit jeu bien drôle, le jeu du confesseur ; madame Gaudron parlait d'aller manger de la tarte aux oignons, chaussée Clignancourt ; madame Lerat aurait souhaité qu'on racontât des histoires ; Gaudron ne s'embêtait pas, se trouvait bien là, offrait seulement de se mettre à table tout de suite. Et, à chaque proposition, on discutait, on se fâchait : c'était bête, ça endormirait tout le monde, on les prendrait pour des moutards. Puis, comme Lorilleux, voulant dire son mot, trouvait quelque chose de bien simple, une promenade sur les boulevards extérieurs jusqu'au Père-Lachaise, où l'on pourrait entrer voir le tombeau d'Héloïse et d'Abélard, si l'on avait le temps, madame Lorilleux, ne se contenant plus, éclata. Elle fichait le camp, elle ! Voilà ce qu'elle faisait ! Est-ce qu'on se moquait du monde ? Elle s'habillait, elle recevait la pluie, et c'était pour s'enfermer chez un marchand de vin ! Non, non, elle en avait assez d'une noce comme ça, elle préférait son chez elle. Coupeau et Lorilleux durent barrer la porte. Elle répétait :