L'Assommoir

L'Assommoir (paragraphe n°321)

Partie : Préface de l'auteur, chapitre II

Alors, jusqu'à une heure du matin, dans la chambre noire, à la clarté fumeuse d'une chandelle qu'ils oubliaient de moucher, ils discutèrent leur mariage, baissant la voix, afin de ne pas réveiller les deux enfants, Claude et Etienne, qui dormaient avec leur petit souffle, la tête sur le même oreiller. Et Gervaise revenait toujours à eux, les montrait à Coupeau ; c'était là une drôle de dot qu'elle lui apportait, elle ne pouvait pas vraiment l'encombrer de deux mioches. Puis, elle était prise de honte pour lui. Qu'est-ce qu'on dirait dans le quartier ? On l'avait connue avec son amant, on savait son histoire ; ce ne serait guère propre, quand on les verrait s'épouser, au bout de deux mois à peine. A toutes ces bonnes raisons, Coupeau répondait par des haussements d'épaules. Il se moquait bien du quartier ! Il ne mettait pas son nez dans les affaires des autres ; il aurait eu trop peur de le salir, d'abord ! Eh bien ! oui, elle avait eu Lantier avant lui. Où était le mal ? Elle ne faisait pas la vie, elle n'amènerait pas des hommes dans son ménage, comme tant de femmes, et des plus riches. Quant aux enfants, ils grandiraient, on les élèverait, parbleu ! Jamais il ne trouverait une femme aussi courageuse, aussi bonne, remplie de plus de qualités. D'ailleurs, ce n'était pas tout ça, elle aurait pu rouler sur les trottoirs, être laide, fainéante, dégoûtante, avoir une séquelle d'enfants crottés, ça n'aurait pas compté à ses yeux : il la voulait.

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