L'Assommoir
L'Assommoir (paragraphe n°260)
Partie : Préface de l'auteur, chapitre II
Ils parlaient de Lantier. Gervaise ne l'avait pas revu ; elle croyait qu'il vivait avec la sœur de Virginie, à la Glacière, chez cet ami qui devait monter une fabrique de chapeaux. D'ailleurs, elle ne songeait guère à courir après lui. Ça lui avait d'abord fait une grosse peine ; elle voulait même aller se jeter à l'eau ; mais, à présent, elle s'était raisonnée, tout se trouvait pour le mieux. Peut-êtrequ'avec Lantier elle n'aurait jamais pu élever les petits, tant il mangeait d'argent. Il pouvait venir embrasser Claude et Etienne, elle ne le flanquerait pas à la porte. Seulement, pour elle, elle se ferait hacher en morceaux avant de se laisser toucher du bout des doigts. Et elle disait ces choses en femme résolue, ayant son plan de vie bien arrêté, tandis que Coupeau, qui ne lâchait pas son désir de l'avoir, plaisantait, tournait tout à l'ordure, lui faisait sur Lantier des questions très crues, si gaiement, avec des dents si blanches, qu'elle ne pensait pas à se blesser.