L'Assommoir
L'Assommoir (paragraphe n°2200)
Partie : Préface de l'auteur, chapitre XIII
Un instant, elle souffla devant la porte. Il se battait donc avec une armée ! Quand elle entra, ça croissait et ça embellissait. Coupeau était fou furieux, un échappé de Charenton ! Il se démenait au milieu de la cellule, envoyant les mains partout, sur lui, sur les murs, par terre, culbutant, tapant dans le vide ; et il voulait ouvrir la fenêtre, et il se cachait, se défendait, appelait, répondait, tout seul pour faire ce sabbat, de l'air exaspéré d'un homme cauchemardé par une flopée de monde. Puis, Gervaise comprit qu'il s'imaginait être sur un toit, en train de poser des plaques de zinc. Il faisait le soufflet avec sa bouche, il remuait des fers dans le réchaud, se mettait à genoux, pour passer le pouce sur les bords du paillasson, en croyant qu'il le soudait. Oui, son métier lui revenait, au moment de crever ; et s'il gueulait si fort, s'il secrochait sur son toit, c'était que des mufes l'empêchaient d'exécuter proprement son travail. Sur tous les toits voisins, il y avait de la fripouille qui le mécanisait. Avec ça, ces blagueurs lui lâchaient des bandes de rats dans les jambes. Ah ! les sales bêtes, il les voyait toujours ! Il avait beau les écraser, en frottant son pied sur le sol de toutes ses forces, il en passait de nouvelles ribambelles, le toit en était noir. Est-ce qu'il n'y avait pas des araignées aussi ! Il serrait rudement son pantalon pour tuer contre sa cuisse de grosses araignées, qui s'étaient fourrées là. Sacré tonnerre ! il ne finirait jamais sa journée, on voulait le perdre, son patron allait l'envoyer à Mazas. Alors, en se dépêchant, il crut qu'il avait une machine à vapeur dans le ventre ; la bouche grande ouverte, il soufflait de la fumée, une fumée épaisse qui emplissait la cellule et qui sortait par la fenêtre ; et penché, soufflant toujours, il regardait dehors le ruban de fumée se dérouler, monter dans le ciel, où il cachait le soleil.