L'Assommoir

L'Assommoir (paragraphe n°1958)

Partie : Préface de l'auteur, chapitre XI

Une seule chose mettait Gervaise hors d'elle. C'était lorsque sa fille reparaissait avec des robes à queue et des chapeaux couverts de plumes. Non, ce luxe-là, elle ne pouvait pas l'avaler. Que Nana fît la noce, si elle voulait ; mais, quand elle venait chez sa mère, qu'elle s'habillât au moins comme une ouvrière doit être habillée. Les robes à queue faisaient une révolution dans la maison : les Lorilleux ricanaient ; Lantier, tout émoustillé, tournait autour de la petite, pour renifler sa bonne odeur ; les Boche avaient défendu à Pauline de fréquenter cette rouchie, avec ses oripeaux. Et Gervaise se fâchait également des sommeils écrasés de Nana, lorsque, après une de ses fugues, elle dormait jusqu'à midi, dépoitraillée, le chignon défait et plein encore d'épingles à cheveux, si blanche, respirant si court, qu'elle semblait morte. Elle la secouait des cinq ou six fois dans la matinée, en la menaçant de lui flanquer sur le ventre une potée d'eau. Cette belle fille fainéante, à moitié nue, toute grasse de vice l'exaspérait en cuvant ainsi l'amour dont sachair semblait gonflée, sans pouvoir même se réveiller. Nana ouvrait un œil, le refermait, s'étalait davantage.

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