L'Assommoir
L'Assommoir (paragraphe n°1541)
Partie : Préface de l'auteur, chapitre IX
Cependant, dès neuf heures, la famille se trouva réunie dans la boutique, dont on laissait les volets fermés. Lorilleux ne pleura pas ; d'ailleurs, il avait de l'ouvrage pressé, il remonta presque tout de suite à son atelier, après s'être dandiné un instant avec une figure de circonstance. Madame Lorilleux et madame Lerat avaient embrassé les Coupeau et se tamponnaient les yeux, où de petites larmes roulaient. Mais la première, quand elle eutjeté un coup d'œil rapide autour de la morte, haussa brusquement la voix pour dire que ça n'avait pas de bon sens, que jamais on ne laissait auprès d'un corps une lampe allumée ; il fallait de la chandelle, et l'on envoya Nana acheter un paquet de chandelles, des grandes. Ah bien ! on pouvait mourir chez la Banban, elle vous arrangerait d'une drôle de façon ! Quelle cruche, ne pas savoir seulement se conduire avec un mort ! Elle n'avait donc enterré personne dans sa vie ? Madame Lerat dut monter chez les voisines pour emprunter un crucifix ; elle en rapporta un trop grand, une croix de bois noir où était cloué un Christ de carton peint, qui barra toute la poitrine de maman Coupeau, et dont le poids semblait l'écraser. Ensuite, on chercha de l'eau bénite ; mais personne n'en avait, ce fut Nana qui courut de nouveau jusqu'à l'église en prendre une bouteille. En un tour de main, le cabinet eut une autre tournure ; sur une petite table, une chandelle brûlait à côté d'un verre plein d'eau bénite, dans lequel trempait une branche de buis. Maintenant, si du monde venait, ce serait propre, au moins. Et l'on disposa les chaises en rond, dans la boutique, pour recevoir.