L'Assommoir
L'Assommoir (paragraphe n°1432)
Partie : Préface de l'auteur, chapitre VIII
Lantier et Gervaise passèrent une très agréable soirée au café-concert. A onze heures, lorsqu'on ferma les portes, ils revinrent en se baladant, sans se presser. Le froid piquait un peu, le monde se retirait par bandes ; et il y avait des filles qui crevaient de rire, sous les arbres, dans l'ombre, parce que les hommes rigolaient de trop près. Lantier chantait entre ses dents une des chansons de mademoiselle Amanda : C'est dans l'nez qu'ça me chatouille. Gervaise, étourdie, comme grise, reprenait le refrain. Elle avait eu très chaud. Puis, les deux consommations qu'elle avait bues lui tournaient sur le cœur, avec la fumée des pipes et l'odeur de toute cettesociété entassée. Mais elle emportait surtout une vive impression de mademoiselle Amanda. Jamais elle n'aurait osé se mettre nue comme ça devant le public. Il fallait être juste, cette dame avait une peau à faire envie. Et elle écoutait, avec une curiosité sensuelle, Lantier donner des détails sur la personne en question, de l'air d'un monsieur qui lui aurait compté les côtes en particulier.