L'Assommoir
L'Assommoir (paragraphe n°1199)
Partie : Préface de l'auteur, chapitre VII
Gervaise les contemplait l'un après l'autre, douce et stupide. D'abord, quand son mari avait poussé son ancien amant dans la boutique, elle s'était pris la tête entre les deux poings, du même geste instinctif que les jours de gros orage, à chaque coup de tonnerre. Ça ne lui semblait pas possible ; les murs allaient tomber et écraser tout le monde. Puis, en voyant les deux hommes assis, sans que même les rideaux de mousseline eussent bougé, elle avait subitement trouvé ces choses naturelles. L'oie la gênait un peu ; elle en avait trop mangé, décidément, et ça l'empêchait de penser. Une paresse heureuse l'engourdissait, la tenait tassée au bord de la table, avec le seul besoin de n'être pas embêtée. Mon Dieu ! à quoi bon se faire de la bile, lorsque les autres ne s'en font pas, et que les histoires paraissent s'arranger d'elles-mêmes, à la satisfaction générale ? Elle se leva pour aller voir s'il restait du café.