L'Argent
L'Argent (paragraphe n°373)
Chapitre III
Mais on ne lui répondit même pas. Le liquidateur étant sorti, trois employés lisaient leur journal, deux autres regardaient en l'air ; tandis que l'entrée de Gustave Sédille venait d'intéresser vivement le petit Flory, qui, le matin, faisait des écritures, échangeait des engagements, et qui, l'après-midi, à la Bourse, était chargé des télégrammes. Né à Saintes, d'un père employé à l'enregistrement, d'abord commis à Bordeaux chez un banquier tombé ensuite à Paris chez Mazaud, vers la fin du dernier automne, il n'y avait d'autre avenir que d'y doubler peut-être ses appointements, en dix années.Jusque-là, il s'y était bien conduit, régulier, consciencieux. Seulement, depuis un mois que Gustave était entré à la charge, il se dérangeait, entraîné par son nouveau camarade, très élégant, très lancé, pourvu d'argent, et qui lui avait fait connaître des femmes. Flory, le visage mangé de barbe, avait là-dessous un nez à passions, une bouche aimable, des yeux tendres ; et il en était aux petites parties fines, pas chères, avec mademoiselle Chuchu, une figurante des Variétés, une maigre sauterelle du pavé parisien, la fille ensauvée d'une concierge de Montmartre, amusante avec sa figure de papier mâché, où luisaient de grands yeux bruns admirables.