L'Argent
L'Argent (paragraphe n°2120)
Chapitre XII
D'un mouvement emporté, madame Caroline allait entrer dans la pièce, faire taire ces enfants, leur défendre ce qu'elle regardait comme un jeu blasphématoire et cruel. Non, non ! Saccard n'avait pas le droit d'être aimé, c'était salir l'enfance que de la laisser prier pour son bonheur ! Puis, un grand frisson l'arrêta, des larmes luimontaient aux yeux. Pourquoi donc aurait-elle fait épouser sa querelle, la colère de son expérience, à ces êtres innocents, ne sachant rien encore de la vie ? Est-ce que Saccard n'avait pas été bon pour eux, lui qui était un peu le créateur de cette maison, qui leur envoyait tous les mois des jouets ? Un trouble profond l'avait saisie, elle retrouvait cette preuve qu'il n'y a point d'homme condamnable, qui, au milieu de tout le mal qu'il a pu faire, n'ait encore fait beaucoup de bien. Et elle partit, pendant que les fillettes reprenaient leur prière, elle emporta dans son oreille ces voix angéliques appelant les bénédictions du ciel sur l'homme d'inconscience et de catastrophe, dont les mains folles venaient de ruiner un monde.