L'Argent
L'Argent (paragraphe n°1667)
Chapitre IX
J'ai ici pour plus de vingt millions de créances, et de tous les âges, de tous les mondes, d'infimes et de colossales... Les voulez-vous pour un million ? je vous les donne... Quand on pense qu'il y a des débiteurs que je file depuis un quart de siècle ! Pour obtenir d'eux quelques misérables centaines de francs, même moins parfois, je patiente des années, j'attends qu'ils réussissent ou qu'ils héritent... Les autres, les inconnus, les plus nombreux, dorment là, regardez ! dans ce coin, tout ce tas énorme. C'est le néant, ça, ou plutôt c'est la matière brute, d'où il faut que je tire la vie, je veux dire ma vie, Dieu sait après quelle complication de recherches et d'ennuis !... Et vous voulez que, lorsque j'en tiens un enfin, solvable, je ne le saigne pas ? Ah ! non, vous me croiriez trop bête, vous ne seriez pas si bête, vous !