L'Argent
L'Argent (paragraphe n°1039)
Chapitre VI
La vérité était que, mordu d'un âpre désir de gain, depuis qu'il avait acheté huit actions entièrement libérées de l'Universelle, avec les quatre mille francs d'économies laissées par sa femme, il ne vivait plus que pour l'émotion joyeuse de voir monter ces actions ; et, à genoux devant Saccard, recueillant ses moindres mots, comme des paroles d'oracle, il ne pouvait résister, quand il le savait là, au besoin de connaître le fond de ses pensées, ce que disait le dieu dans le secret du sanctuaire. D'ailleurs, cela était encore dégagé de tout égoïsme, il ne songeait qu'à sa fille, il venait de s'exalter en calculant que ses huit actions, au cours de sept cent cinquante francs, lui donnaient déjà un gain de douze cents francs : ce qui, joint au capital, lui faisait cinq mille deux cents francs. Plus que cent francs de hausse, et il avait les six millefrancs rêvés, la dot que le cartonnier exigeait pour laisser son fils épouser la petite. A cette idée, son cœur se fondait, il regardait avec des larmes cette enfant qu'il avait élevée, dont il était la vraie mère, dans le petit ménage si heureux qu'ils menaient ensemble, depuis le retour de nourrice.