Germinal
Germinal (paragraphe n°3110)
Partie : Septième partie, chapitre V
Ensuite, il n'y eut plus rien. Etienne était assis par terre, toujours dans le même coin, et il avait Catherine sur les genoux, couchée, immobile. Des heures, des heures s'écoulèrent. Il crut longtemps qu'elle dormait ; puis, il la toucha, elle était très froide, elle était morte. Pourtant, il ne remuait pas, de peur de la réveiller. L'idée qu'il l'avait eue femme le premier, et qu'elle pouvait être grosse, l'attendrissait. D'autres idées, l'envie de partir avec elle, la joie de ce qu'ils feraient tous les deux plus tard, revenaient par moments, mais si vagues, qu'elles semblaient effleurer à peine son front, comme le souffle même du sommeil. Il s'affaiblissait, il ne lui restait que la force d'un petit geste, un lent mouvement de la main, pour s'assurer qu'elle était bien là, ainsi qu'une enfant endormie, dans sa raideur glacée. Tout s'anéantissait, la nuit elle-même avait sombré, il n'était nulle part, hors de l'espace, hors du temps. Quelque chose tapait bien à côté de sa tête, des coups dont la violence se rapprochait ; mais il avait eu d'abord la paresse d'aller répondre, engourdi d'une fatigue immense ; et, à présent, il ne savait plus, il rêvait seulement qu'elle marchait devant lui et qu'il entendait le léger claquement de ses sabots. Deuxjours se passèrent, elle n'avait pas remué, il la touchait de son geste machinal, rassuré de la sentir si tranquille.