Germinal
Germinal (paragraphe n°1027)
Partie : Troisième partie, chapitre III
Et, au bout du premier mois, Etienne et Catherine semblaient déjà ne plus se voir, quand, le soir, avant d'éteindre la chandelle, ils voyageaient déshabillés par la chambre. Elle avait cessé de se hâter, elle reprenait son habitude ancienne de nouer ses cheveux au bord de son lit, les bras en l'air, remontant sa chemise jusqu'à ses cuisses ; et lui, sans pantalon, l'aidait parfois, cherchait les épingles qu'elle perdait. L'habitude tuait la honte d'être nu, ils trouvaient naturel d'être ainsi, car ils ne faisaient point de mal et ce n'était pas leur faute, s'il n'y avait qu'une chambre pour tant de monde. Des troubles cependant leur revenaient, tout d'un coup, aux moments où ils ne songeaient à rien de coupable. Après ne plus avoir vu la pâleur de son corps pendant des soirées, il la revoyait brusquement toute blanche, de cette blancheur qui le secouait d'un frisson, qui l'obligeait à se détourner, par crainte de céder à l'envie de la prendre. Elle, d'autres soirs, sans raison apparente, tombait dans un émoipudique, fuyait, se coulait entre les draps, comme si elle avait senti les mains de ce garçon la saisir. Puis, la chandelle éteinte, ils comprenaient qu'ils ne s'endormaient pas, qu'ils songeaient l'un à l'autre, malgré leur fatigue. Cela les laissait inquiets et boudeurs tout le lendemain, car ils préféraient les soirs de tranquillité, où ils se mettaient à l'aise, en camarades.