Au Bonheur des dames
Au Bonheur des dames (paragraphe n°2651)
Chapitre XIII
Mouret, maintenant, se dressait devant elle, avec sa tête passionnée, aux yeux caressants. Certes, il ne lui refusait rien, elle était sûre qu'il accorderait tous les dédommagements raisonnables. Et sa pensée s'égarait, tâchait de le juger. Elle connaissait sa vie, n'ignorait pas le calcul ancien de ses tendresses, sa continuelle exploitation de la femme, des maîtresses prises pour faire son chemin, et sa liaison avec madame Desforges dans l'unique but de tenir le baron Hartmann, et toutes les autres, les Clara de rencontre, le plaisir acheté, payé, rejeté au trottoir. Seulement, ces débuts d'un aventurier de l'amour, dont le magasin plaisantait, finissaient par se perdre dans le coup de génie de cet homme, dans sa grâce victorieuse. Il était la séduction. Ce qu'elle ne lui aurait jamais pardonné, c'était son mensonge d'autrefois, sa froideur d'amant sous la comédie galante de ses prévenances. Mais elle se sentait sans rancune,aujourd'hui qu'il souffrait par elle. Cette souffrance l'avait grandi. Quand elle le voyait torturé, expiant si durement son dédain de la femme, il lui semblait racheté de ses fautes.