Au Bonheur des dames
Au Bonheur des dames (paragraphe n°2433)
Chapitre XII
Ensuite, il se rendait à l'autre bout des sous-sols, pour donner son coup d'œil habituel au service du départ. D'interminables corridors s'étendaient, éclairés au gaz ; à droite et à gauche, les réserves, fermées par des claies, mettaient comme des boutiques souterraines, tout un quartier commerçant, des merceries, des lingeries, des ganteries, des bimbeloteries, dormant dans l'ombre. Plus loin, se trouvait un des trois calorifères ; plus loin encore,un poste de pompiers gardait le compteur central, enfermé dans sa cage métallique. Il trouvait, au départ, les tables de triage encombrées déjà des charges de paquets, de cartons et de bottes, que des paniers descendaient continuellement ; et Campion, le chef du service, le renseignait sur la besogne courante, tandis que les vingt hommes placés sous ses ordres distribuaient les paquets dans les compartiments, qui portaient chacun le nom d'un quartier de Paris, et d'où les garçons les montaient ensuite aux voitures, rangées le long du trottoir. C'étaient des appels, des noms de rues jetés, des recommandations criées, tout un vacarme, toute une agitation de paquebot, sur le point de lever l'ancre. Et il restait un moment immobile, il regardait ce dégorgement de marchandises, dont il venait de voir la maison s'engorger, à l'extrémité opposée des sous-sols : l'énorme courant aboutissait là, sortait par-là dans la rue, après avoir déposé de l'or au fond des caisses. Ses yeux se troublaient, ce départ colossal n'avait plus d'importance, il ne lui restait qu'une idée de voyage, l'idée de s'en aller dans des pays lointains, de tout abandonner, si elle s'obstinait à dire non.