Fagerolles père. — Fabricant de zinc d’art, rue Vieille-du-Temple, dans une antique demeure sombre, qui avance sur les autres. C’est un gros homme blême. Ses ateliers sont au rez-de-chaussée; pour abandonner aux magasins d’échantillons les deux grandes pièces du premier étage, éclairées sur la rue, il occupe, sur la cour, un petit logement obscur, d’un étouffement de cave. D’abord, il a fait de son fils un dessinateur d’ornements, pour l’usage de sa fabrique; puis, lorsque le gamin s’est révélé avec des ambitions plus hautes, s’attaquant à la peinture, parlant de l’Ecole, il y a eu des querelles, des gifles, une série de brouilles et de raccommodements. Même lorsque Henri a remporté ses premiers succès, son père, résigné à le laisser libre, l’a traité durement, en garçon qui gâtait sa vie [74]. Plus tard, travaillé du désir de la décoration, le fabricant oublie son opposition de jadis; il présente, comme un titre de plus, son fils arrivé à la notoriété [258]. (L’Œuvre.)
Fagerolles (Henri). — Fils du fabricant de zinc d’art. A poussé dans le petit logement paternel, en vraie plante du pavé parisien, au bord du trottoir mangé par les roues, trempé par le ruisseau, en face d’une boutique à images, d’un tripier et d’un coiffeur [74]. C’est un garçon mince et pâle, dont la figure de fille est éclairée par des yeux gris, d’une câlinerie moqueuse, où passent des éclairs d’acier. Il affecte des airs de casseur et de voyou. Élève de l’École des Beaux-Arts, mais affilié à Claude Lantier, à Pierre Sandoz et à leur bande, il amuse ses amis révolutionnaires en leur racontant des histoires désobligeantes sur les bonzes de l’École; il se fait adorer par sa continuelle lâcheté de gamin flatteur et débineur [91]. Subissant l’influence de Claude, il ne parle que de peinture grasse et solide, que de morceaux de nature, jetés sur la toile, vivants, grouillants, tels qu’ils sont; mais il continue de peindre avec une adresse d’escamoteur et, dans d’autres milieux, il blague les peintres du plein air, en les accusant d’empaler leurs études avec une cuiller à pot [100]. Très malin, il n’expose pas, de peur de mécontenter ses maîtres; il tape sur le Salon, un bazar infect où la bonne peinture tourne à l’aigre avec la mauvaise, et en secret il rêve le prix de Rome, qu’il plaisante d’ailleurs comme le reste [103].
L’ambition opère une transformation en lui, le terrible farceur qu’il est n’affecte plus autant des allures relâchées, il est déjà correctement vêtu, toujours d’une moquerie à mordre le monde, mais les lèvres désormais pincées en une moue sérieuse de garçon qui veut arriver [154]. Devant le Plein Air de Claude Lantier, il a longuement étudié un public mis en révolte par la rude franchise de l’artiste; avec son flair de Parisien et sa conscience souple de gaillard adroit, il s’est rendu compte du malentendu et il a senti vaguement ce qu’il faudrait pour que cette peinture fit la conquête de tous, quelques tricheries peut-être, des atténuations, un arrangement du sujet, un adoucissement de la facture [165]. Après avoir raté le prix de Rome, il expose une actrice devant sa glace, faisant sa figure, une peinture qui joue l’audace de la vie, sans une seule qualité originale, et qui a du succès, car les bourgeois aiment qu’on les chatouille, en ayant l’air de les bousculer [214]. Une reproduction gravée de ce tableau a un grand succès [242].
Très élégant maintenant, pincé dans des vêtements de coupe anglaise, Fagerolles a une tenue d’homme de cercle, relevée par la pointe de débraillé artiste qu’il garde. Il joue l’homme excédé par le succès naissant. C’est toujours la même figure inquiétante de gueuse, mais un certain arrangement des cheveux, la coupe de la barbe, lui donnent une gravité. Peu à peu, il se sépare de la bande, fréquentant tous les lieux de publicité ou se nouent des connaissances utiles; il sait mettre les femmes de deux ou trois salons dans sa chance, non pas en mâle brutal comme son ami Jory, mais eu vicieux supérieur à ses passions, en simple chatouilleur de baronnes sur le retour [256]. Dès lors, tambouriné, affiché, célébré, en marche pour toutes les fortunes et tous les honneurs, il bénéficie de la haine qu’on éprouve pour ses amis ; on comble d’éloges ses toiles adoucies, pour achever de tuer leurs œuvres obstinément violentes. Son beau renom est mis en valeur par le marchand de tableaux Naudet. Celui-ci l’installe avenue de Villiers, dans un petit hôtel renaissance, un vrai bijou de fille, plein d’un luxe magnifique et bizarre [361].
Décoré, exigeant dix mille francs d’un portrait, accaparé par Naudet qui ne lâche pas un de ses tableaux à moins de vingt, trente ou quarante mille francs, le peintre vit en pleine gloire; pourtant, ce luxe étalé sent la dette, tout l’argent gagné comme à la Bourse, dans des coups de hausse, file entre les doigts, se dépense sans qu’on en retrouve la trace. Fagerolles ne compte pas, ne s’inquiète pas, fort de l’espoir de vendre toujours de plus en plus cher, glorieux de la grande situation qu’il prend dans l’art contemporain [361]. Il se laisse manger par Irma Bécot, la gamine d’autrefois, l’enfant du même trottoir que lui, parvenue à lu gloire par un autre moyen et qui possède, de l’autre côté de l’avenue, un hôtel princier [360]. Elu du jury, le quinzième sur quarante, de cinq places avant le maître peintre Bongrand, il expose Un Déjeuner, qui est l’impudent démarquage du Plein Air, de Chauds Lantier, avec la même note blonde, la même formule d’art, mais adoucie, truquée, gâtée, d’une élégance d’épidémie, arrangée avec une adresse infinie pour les satisfactions basses du public [385]. Et dans son apothéose, caprice nerveux du grand Paris détraqué [392], fortune d’une saison qui s’effondrera bientôt dans la débâcle de Naudet [444], Fagerolles se donne le luxe de se montrer serviable envers Claude Lantier, le maître inavoué de sa jeunesse, celui qui l’a marqué à jamais de son influence, et dont le muet dédain suffit toujours à le gêner, il fait recevoir par charité un tableau de Claude, l’Enfant mort, qu’on n’aperçoit même pas, dans le dépotoir où il est relégué, tandis que la foule, conquise par l’habite Fagerolles, s’étouffe, extasiée, devant sa peinture bien parisienne [386]. (L’Œuvre.)
Fanny (Mademoiselle). — Grande fille en cheveux, une ouvrière du quartier, envoyée par sa patronne au Bonheur des Dames, pour rassortir du mérinos [123]. (Au Bonheur des Dames.)
Fauchery (Léon). — Journaliste et auteur dramatique. Publie des chroniques dans le Figaro. A écrit une pièce pour les Variétés, la Petite Duchesse. Habite rue Taitbont, au coin de la rue de Provence. Il est grand, avec des moustaches noires. Au dire de Lucy Stewart, c’est un monsieur malpropre, qui se colle aux femmes pour faire sa position [117]. Fauchery couche avec des actrices qu’il paye en publicité. Encouragé par de vagues confidences reçues d’un familier de Sabine Muffat de Beuville, il rêve de devenir l’amant de la comtesse et y réussit quand le ménage Muffat se désagrège sous l’action de Nana. Par contre-coup, n’osant tenir tête au comte, il se laisse imposer l’actrice, pour le rôle principal de la Petite Duchesse, qu’elle a la folle prétention de jouer.
La liaison de Fauchery avec Rose Mignon, traversée par les amours du journaliste avec Sabine et une coûteuse foucade pour Nana, finit par prendre le caractère d’un ménage régulier, en tiers avec le mari légitime. Au début, Fauchery déplaisait fort à Mignon, tous deux s’étaient battus dans les coulisses des Variétés, se traitant mutuellement de maquereaux [164]. Ils ont fini par s’entendre. Rose use de Fauchery comme d’un mari véritable, Mignon reste simplement le majordome de madame [485]. Le journaliste se montre raisonnable, sans jalousie ridicule, aussi coulant que Mignon lui-même sur les occasions trouvées par Rosé [497]. (Nana.)
Faucheur (Le Père). — tient à Bennecourt une auberge de campagne, fréquentée par les peintres. Un petit commerce d’épicerie est annexé à l’auberge; il y a une grande salle qui sent la lessive, une vaste cour pleine de fumier, où barbotent des canards [182]. Après la mort des Faucheur, l’auberge est reprise par leur nièce Mélie [428]. (L’Œuvre.)
Faucheur (La Mère). — Femme de l’aubergiste. Fille du père Poirette [184]. (L’Œuvre.)
Fauconnier (Madame). — Blanchisseuse, rue Neuve de la Goulte-d’Or. Femme grasse, belle encore [85]. Elle est conviée au mariage de Gervaise Macquart, qu’elle emploie comme ouvrière jusqu’au jour où Gervaise s’établit. Plus tard, celle-ci rentre chez madame Fauconnier, qui est une très bonne femme pourvu qu’on la flatte [402]. (L’Assommoir.)
Fauconnier (Victor). — Fils de la blanchisseuse. A dix ans, c’est un grand dadais qui adore galopiner en compagnie de toutes petites filles. Plus tard, il reste le grand ami de Nana, qu’il embrasse dans les coins noirs de la maison [455]. (L’Assommoir.)
Devenue une célébrité de la galanterie, Nana qui aime imposer ses souvenirs d’enfance, parle de Victor avec Satin, devant de beaux .messieurs. C’était, dit-elle, un gamin vicieux qui menait les petites filles dans les caves [364]. (Nana.)
Faujas (Abbé Ovide). — Prêtre ambitieux, intrigant et brutal, renvoyé du diocèse de Besançon où il s’est rendu impossible. Réfugié à Paris dans un hôtel garni, l’abbé Faujas a offert ses services au ministre qui cherchait justement des prêtres dévoués [307] et qui, pressentant une force dans ce grand corps à la mine noire, l’a envoyé faire ses preuves à Plassans, ville passée à l’opposition royaliste et que le gouvernement veut reconquérir. Faujas est un homme grand et fort, face carrée, traits larges, teint terreux [10], crâne rude de soldat. Il a le regard clair, des yeux d’un gris morne qui s’allument parfois d’une flamme [17], une voix grave d’une grande douceur dans la chute des phrases.
Nommé vicaire à Plassans, il y arrive en 1858, sentant la misère noire, vêtu d’une vieille soutane râpée; il s’installe dans la maison de François Mouret, où il a loué au second étage deux chambres vides, que sa mère, amenée par lui, garnit avec quelques vieux meubles achetés chez un revendeur [27]. D’une sobriété et d’une continence absolues, convaincu que les hommes chastes sont les seuls forts, méprisant le monde, tout à son ambition, il se donne d’abord l’allure insignifiante d’un prêtre sans moyens, sans arrière-pensée aucune, il se tient à l’écart, refuse toutes les avances, mais sourdement, patiemment, se renseigne sur Plassans, sur les groupes qui s’y disputent l’influence politique; il utilise les bavardages de François et les complaisances de l’abbé Bourrette, il prend pied chez Félicité Rougon qui a été avisée de sa mission secrète et qui lui donne d’utiles conseils [81]. Faujas développe son œuvre, s’emparant de l’esprit de Marthe Mouret, dont il fera sa chose, poussant Serge vers la prêtrise, créant sans se mettre en avant l’Œuvre de la Vierge qui va lui concilier les femmes, et le Cercle de la Jeunesse qui ralliera les jeunes gens, circonvenant monseigneur Rousselot qui jusque-là était dominé par l’ultra-montain Fenil. Il remporte un premier succès par sa nomination à la cure de Saint-Saturnin [157j. L’adoration de Marthe, la faiblesse de Mouret ont fini par lui livrer la maison ; il y a installé les Trouche, terribles parents qu’il n’ose rudoyer et qu’il emploie habilement à de basses besognes.
Peu à peu, il gagne toute la ville, unissant autour de lui les sociétés rivales, utilisant les services de madame de Condamin, agissant par Trouche sur les faubourgs, il devient second vicaire général et finit par tenir l’opinion dans sa main; quand vient l’heure des élections, son candidat Delangre est élu aune énorme majorité; l’Empire a reconquis Plassans Mais l’abbé Faujas a la victoire rude, il revient aux brutalités de sa nature, laissant tomber le masque de douceur que Félicité Rougon lui avait attaché. Exaspéré des poursuites passionnées de Marthe Mouret, il la rudoie si terriblement qu’elle court aux Tulettes où son mari est enfermé, et cette démarche provoque l’affreuse tragédie où Faujas va trouver la mort. (La Conquête de Plassans.)
Faujas (Madame). — Mère de l’abbé Faujas, à qui elle ressemble beaucoup, plus petite, l’air plus rude [10] Elle a une voix brève, au timbre un peu rauque. Agée d’environ soixante-cinq ans, active et vigoureuse, elle est la servante de son fils qu’elle aime d’une adoration absolue, le regardant d’un air d’extase, montant la garde autour de lui, prêle à écraser tout obstacle gênant. Elle porte une robe de colonnade, serrée au corsage par un fichu jaune noué derrière la taille, et de gros souliers lacés [17]. Dès son arrivée chez les Mouret, elle s’est emparée de la maison par des regards inquisiteurs, des allongements de cou dans toutes les pièces. Et c’est bientôt une possession effective, qui commence par les parties de piquet avec le propriétaire [92], continue à la cuisine par la conquête de Rosé [239] et s’affirme par l’envahissement du rez-de-chaussée [244], lent travail de termite, contrarié un instant par les manœuvres parallèles d’Olympe Trouche [249], et qui aboutit au pillage [338]. Cette mère vit uniquement pour son fils; file lui reste dévouée jusqu’à la mort, s’offrant aux flammes pour le protéger, éteignant les charbons sous ses pieds nus [385]. (La Conquête de Plassans.)
Faujas (Olympe). — Sœur de l’abbé Faujas. Mariée à Trouche. Grande femme mince, blonde, fanée, à la figure plate et ingrate [138]. Elle vient à Plassans et s’impose avec son mari à l’abbé, dont elle jalouse la prospérité et qui, n’osant évincer ces parents dangereux, les tient le plus possible en tutelle, puis les utilise et, pour prix de leurs services équivoques, ferme les yeux sur les vices du couple. Gourmande et paresseuse, Olympe soutire de l’argent à Marthe Mouret en exploitant son affection pour Faujas [221], elle raconte partout que Je mari est fou [281], préparant ainsi l’internement du malheureux, poursuivant l’unique but de chasser les propriétaires pour s’emparer de la maison. Elle meurt, un soir d’ivresse, dans l’incendie allumé par François Mouret [384]. (La Conquête de Plassans.)
Fauquenoix. — Associé du baron Desrumaux, dans la société d’exploitation des mines de Montsou [83]. (Germinal.)
Fauvelle. — Sucrerie de Montsou. Souffre de la crise créée par la grève des mineurs [425]. (Germinal.)
Favier. — Employé à la soierie, au Bonheur des Dames. Un grand garçon sec et jaune, qui est né à Besançon d’une famille de tisserands, et qui, sans grâce, cache sous son air froid une volonté inquiétante [56]. Simple commis, il a travaillé au renvoi du second, Robineau, pour faire donner la place à Hutin et avancer lui-même; puis, voulant à son tour devenir second, il a aidé Butin à supplanter le premier, Bouthemont. Et plus tard, il mangera Hutin aussi. Maigre et froid, il le regarde en dessous, la bile au visage, comme s’il comptait les bouchées dans ce petit homme trapu [343]. Le départ de Hutin lui donne enfin la première place [499]. (Au Bonheur des Dames.)
Fayeux. — Receveur de rentes à Vendôme. Est en rapports d’affaires avec Busch et avec la Méchain, qui dit être sa cousine [28]. A pour négoce avoué de toucher les coupons des petits rentiers du pays, mais, dépositaire de fortes sommes, il joue frénétiquement à la Bourse. Ses ordres sont donnés à la charge Mazaud [90]. Après la débâcle de la Banque Universelle, il lève le pied avec les quelques centaines de mille francs qui se trouvent entre ses mains [395]. (L’Argent.)
Fenil (Abbé). — Premier grand vicaire de l’archevêché de Plassans. Terrible homme, plat et pointu comme un sabre. Grâce à la faiblesse de monseigneur Rousselot, il est le vrai chef du diocèse, dont il terrorise les prêtres [148]. Ultra-montain déclaré, n’obéissant qu’au mot d’ordre de Rome, il a fait marcher son clergé à fond en faveur du marquis de Lagrifoul, député légitimiste, hostile à l’Empire. Dès l’arrivée de l’abbé Faujas, envoyé pour reconquérir Plassans, c’est un duel entre ces deux prêtres. Fenil battu va se claquemurer dans sa propriété des Tulettes et prépare sourdement avec Antoine Macquart la revanche qui doit le débarrasser de son redoutable adversaire [367]. (La Conquête de Plassans.)
Férand-Giraud frères. — Maison de transports maritimes, pour l’Italie, Naples et les villes de l’Adriatique, par Civita-Vecchia. Adhère au syndicat de la Compagnie générale des Paquebots réunis [179]. (L’Argent.)
Fernand. —Élève en pharmacie chez Combette, au Chêne-Populeux. C’est un grand garçon blême, l’air poltron [121], à qui la peur des Prussiens donne la fièvre. (La Débâcle).
Fernande. — Figurante des Variétés. Est traitée de chameau par Bordenave [147]. (Nana.)
Fétu (La Mère). — Vieille pauvresse, protégée de l’abbé Jouve. Toute ronde malgré sa misère, visage bouffi, petits yeux noirs pleins de finesse, voix pleurarde, humilité bruyante qu’elle traduit par un flot de paroles [34]. Elle habite une mansarde dans le passage des Eaux. C’est à son chevet que se rencontrent Hélène Grandjean et le docteur Deberle. Pleine de rouerie, la mère Fétu exploite la situation jusqu’au bout, trouve les paroles qu’il faut dire pour obtenir des aumônes plus larges, joue vaguement un rôle d’entremetteuse, toujours geignarde et toujours la main tendue. (Une Page d’Amour.)
Fifi. — Voir MENU (Fanny).
Fifine. — Une masse de vingt livres, outil de forgeron. Goujet et Bec-Salé, dit Boit-sans-Soif, se servent de Fifine et de Dédèle pour lutter de force et d’habileté au travail, sous les yeux de Gervaise [212]. (L’Assommoir.)
Finet (Aristide). — Fondateur de la maison du Vieil Elbeuf, draps et flanelles, rue de la Michodière. Beau-père et prédécesseur de Hauchecorne [15]. (Au Bonheur des Dames.)
Finet (Désirée). — Fille d’Aristide. Mariée au premier commis de son père, Hauchecorne, qui continue le commerce des draps [15]. (Au Bonheur des Dames.)
Finet. — Médecin de campagne, résidant à Cloyes. Grand et maigre, la face jaunie par des ambitions mortes. Il déteste sa clientèle paysanne, qu’il accuse de la médiocrité de sa vie [112]. Les gens le font venir toujours trop tard. Il est dur pour eux, ce qui augmente leur déférence, malgré le continuel doute qu’ils gardent sur l’efficacité de ses potions [406]. Et son indifférence est telle que devant les décès les plus mystérieux, Bose Maliverne à moitié assommée par son fils, le père Fouan brûlé vif, il n’hésite pas à conclure à une mort naturelle. (La Terre.)
Firmin. — Maître d’équipage de l’empereur, à Compiègne. C’est lui qui donne le signal de la curée [223]. (Son Excellence Eugène Rougon.)
Flaminio. — Domestique de la comtesse Balbi [73]. (Son Excellence Eugène Rougon.)
Fleur d’Épine. — Célèbre chef de brigands; a précédé le beau-François à la tête des chauffeurs d’Orgères [67]. (La Terre.)
Fleurance. — Hercheuse au Voreux. Travaillait à la taille des Maheu. On l’a trouvée morte sur son lit, les uns disent d’un décrochement du cœur, les autres d’un titre de genièvre bu trop vite. Elle est remplacée à la mine par Étienne Lantier [30]. (Germinal.)
Flore. — La fille aînée de madame Misard (tante Phasie). Quand sa mère est devenue impotente, elle l’a remplacée comme garde-barrière, à la Croix-de-Maufras. C’est une grande fille de dix-huit ans, blonde, forte, à la bouche épaisse, aux grands yeux verdâtres, au front bas, sous de lourds cheveux [37]. Les hanches solides, les bras durs d’un garçon, elle n’est point jolie, mais de tout son être robuste et souple, monte une sauvage énergie de volonté. On cite d’elle des traits de dévouement, des sauvetages, de rudes besognes accomplies sans effort; dédaigneuse du mâle, ayant presque assommé l’aiguilleur Ozil, qui essayait de la prendre, elle est vierge et guerrière. On lui croit la tête dérangée [13].
Lorsqu’elle était toute petite, violente et volontaire déjà, c’est Jacques Lantier qu’elle aimait, et maintenant, c’est à lui seul qu’elle veut se donner. Mais il la refuse et bientôt, elle lui connaît une autre maîtresse, Séverine Roubaud. Convaincue de son bon droit à être aimée, puisqu’elle est plus forte et plus belle que l’autre, cette sauvagesse est torturée de jalousie, elle déborde d’une rancune meurtrière et, comme il lui faut subir, chaque vendredi, l’abominable vision de l’express emmenant les deux amants vers Paris, un impérieux besoin naît en elle de culbuter tout, de tuer ces gens pour qu’ils ne passent plus, pour qu’ils n’aillent plus là-bas ensemble. Mais c’est en vain qu’elle provoque une affreuse catastrophe, elle massacre inutilement une foule d’inconnus; Séverine et Jacques sont saufs, elle a tué pour rien [339]. La pensée que Jacques a surpris le crime, que jamais il ne pardonnera, qu’il aura pour elle la répulsion terrifiée qu’on a pour les monstres, lui rend tout à coup la vie odieuse. Et pour mourir, elle entreprend une marche d’obstination héroïque, sous le tunnel de Malaunay, au-devant d’un train lancé à toute vitesse [344]. (La Bête humaine.)
Florence. — Petite actrice des Bouffes. Marsy lui offre un hôtel de six cent mille francs [44]. (Son Excellence Eugène Rougon)
Actrice des Variétés. Pauline Letellier l’a rencontrée sur le boulevard, accompagnée du beau Malignon. Juliette Deberle, un peu jalouse, assure que Florence a quarante ans, qu’elle est laide à faire peur et que tout l’orchestre la tutoie aux premières représentations [53]. (Une Page d’Amour.)
Florent. — Né en Provence, avait commencé son droit à Paris lorsqu’il a perdu sa mère, en 1841. Veuve, celle-ci s’était remariée à un sieur Quenu, originaire d’Yvetot, et elle a laissé un fils du second lit. Sans ressources, Florent abandonne ses études et s’installe rue Royer-Collard, avec le petit Quenu, qu’il élève paternellement, trouvant des douceurs infinies à se sacrifier pour son cadet. Entré comme professeur dans une pension de la rue de l’Estrapade, il se lie avec un rôtisseur voisin, Gavard, qui apprendra la cuisine à Quenu. Les jeunes gens ont un oncle à Paris, un frère de leur mère, le charcutier Gradelle. Nature tendre, ne goûtant que les joies amères du dévouement, Florent craint de s’aigrir dans les souffrances de la médiocrité; il se jette en pleine bonté idéale, se crée un refuge de justice et de vérité absolues, devient républicain [52] et est bientôt un de ces orateurs illuminés qui prêchèrent la révolution de 1848 comme une religion nouvelle, toute de douceur et de rédemption.
Au coup d’Etat, dans la fusillade des boulevards, bousculé par la foule, il est tombé, ayant sur lui une jeune femme en chapeau rose, morte, la gorge trouée de deux balles. Ébranlé par cette horrible scène, il s’est laissé arrêter Je soir même au pied d’une barricade, on le jette dans une casemate du fort de Bicêtre, il est condamné à la déportation et transporté à Cayenne par la frégate le Canada. C’est alors sept années d’affreuses souffrances, de faim continue, qui le laissent sec, l’estomac rétréci, la peau collée aux os, sept années qu’il continue à vivre dans son rêve de fraternité universelle. Evadé de l’île du Diable, ayant rôdé pendant deux ans à travers la Guyane hollandaise, atteint de la fièvre jaune et guéri par miracle, il a dû faire toutes sortes de métiers; puis, cédant à l’envie folle de revenir, il a Uni par économiser l’argent du voyage; il débarque au Havre avec quinze francs dans son mouchoir, achète à Vernon ses deux derniers sous de pain et, ramassé mourant, aux portes de Paris, un matin de septembre, il arrive à la Pointe Saint-Eustache, étendu dans la voiture maraîchère de madame François, gris de misère, de lassitude et de faim.
Maigre comme une blanche sèche, il a de grands yeux bruns, d’une singulière douceur, dans un visage dur et tourmenté. Avec son ventre vide, les Halles, débordantes de nourriture, lui apparaissent comme une tentation surhumaine. Il a retrouvé d’abord son vieil ami Gavard, puis Quenu marié, gras et prospère, devenu charcutier rue Rambuteau, après avoir hérité de l’oncle Gradelle. Il s’installe chez lui, dissimulé à la police grâce aux papiers de Laquerrière, pauvre diable mort entre ses bras à Surinam et qui, par une heureuse coïncidence, portait le prénom de Florent. Il passera pour le cousin de sa belle sœur, la plantureuse Lisa Macquart. Remis à neuf, sentant d’abord une grande affection autour de lui, il a refusé sa part d’héritage dans la succession de l’oncle et il promène son corps ravagé de maigreur dans ce milieu gras où peu à peu il va être importun. Amené par Lisa à suppléer Verlaque, inspecteur à la marée, il abandonne à son prédécesseur malheureux la totalité de ses appointements et if vit, en proie à l’hostilité des grasses marchandes, subissant le contre-coup des rivalités de madame Quenu et de la Belle Normande, qui se réconcilieront plus tard sur son dos.
Dans cette existence pleine de souffrances physiques et morales, Florent caresse le rêve de venger l’Humanité traitée à coups de fouet et la Justice foulée aux pieds. Il revient à la politique [l 59]. La haine l’a pris contre ce Paris entripaillé, qui cuve sa graisse et qui appuie sourdement l’Empire. Et il entre alors dans le groupe Gavard, une réunion d’amis qui se retrouvent chaque soir chez le marchand de vin Lebigre et où l’on parle carrément du grand coup de balai. L’agent provocateur Logre a vite fait d’organiser un complot dont le naïf Florent se voit le chef; et l’évadé de Cayenne est alors parfaitement heureux, soulevé par cette idée intense de se faire le justicier des maux qu’il a vu souffrir. Le jour où le ministère a besoin d’enlever par la peur un vole au Corps législatif, Florent, qui croyait n’avoir plus qu’un signe à transmettre aux sections, est arrêté dans une souricière, organisée avec la complicité de tout le quartier, la belle Lisa en tête. il passe en jugement à côté de ses prétendus affiliés et ce doux rêveur, qui s’évanouissait en regardant égorger des pigeons, est traité comme un buveur de sang. On le condamne à la déportation, c’est-à-dire à la mort, pendant que les députés votent d’enthousiasme un projet d’impôt impopulaire dont les faubourgs eux-mêmes n’oseront plus se plaindre, dans ]a panique qui souffle sur la ville [356]. (Le Ventre de Paris.)
Flory. — Commis d’agent de change. Est né à Saintes, d’un père employé à l’enregistrement ; a d’abord été commis de banque à Bordeaux, puis, à Paris, est entré chez Mazaud, sans autre avenir que d’y doubler peut-être ses appointements en dix années. Régulier et consciencieux dans les premiers temps, il s’est lié avec Gustave Sédille, qui l’a entraîné vers les femmes. C’est un garçon à figure tendre, avec un nez à passions, une bouche aimable, une épaisse barbe châtaine [85]. La fête a commencé par de joyeuses parties pas chères avec mademoiselle Chuchu, on s’est ensuite installé dans un appartement de la rue Condorcet, où la jeune personne est devenue exigeante ; il lui a fallu des bijoux, des dentelles.
Flory a risqué quelques petites opérations, marchant dans le sillage de Saccard [212]; et le malheureux garçon a été perdu par son premier gain de dix mille francs, après Sadowa, cet argent déplaisir, si vite gagné, si vite dépensé. Dès lors, il se met à jouer éperdument, sans calcul aucun d’ailleurs, tout au jeu de Saccard, qu’il suit avec une foi aveugle [335]. Et, au jour de la débâcle, ayant un énorme découvert, affolé par la peur d’une exécution immédiate, il imagine, par une singulière honnêteté, de voler cent quatre-vingt mille francs à son patron, simplement pour payer sa dette de jeu chez un autre agent. On l’arrête, il pleure beaucoup en prison, dans un affreux réveil de honte et de désespoir, et sa mère, accourue de Saintes, frappée de désespoir devant cet effondrement, doit s’aliter chez des amis où elle est descendue [396]. (L’Argent.)
Fontan (Achille). — Acteur des Variétés. Une tête de faune suant le vice ; c’est un comique d’un talent canaille et original, un mauvais camarade qui casse toujours du sucre sur la tête des autres. Pontan a joué un Vulcain déhanché dans la Blonde Vénus et le baron de Tardiveau dans la Petite Duchesse. Aux répétitions, il semble soumettre à l’auteur des idées dont il doute lui-même et, à la moindre objection, il se vexe et parle de rendre le rôle [331].
Nana s’est prise pour lui de la toquade enragée des filles pour la laideur grimacière des comiques [258]; tous deux s’installent dans un petit logement de la rue Véron, à Montmartre, mettant leurs ressources en commun, les dix mille francs de Nana et les sept mille de Fontan. Mais celui-ci est avare, et, quand les fonds de sa maîtresse ont filé, il reprend les siens et se fait nourrir dés lors par elle, sans s’inquiéter d’où vient l’argent. A force d’exploiter Nana et de la battre, sans lasser son dévouement de bête soumise, Fontan en arrive à abuser. Par une perversion de ses goûts de monstre, il éprouve pour elle une haine féroce, au point de ne plus tenir compte de ses propres intérêts, et il se débarrasse de Nana en la chassant grossièrement [301]. (Nana.)
Fontenailles (Mademoiselle De). — Une orpheline, la dernière des Fontenailles, vielle noblesse du Poitou. Débarquée sur le pavé de Paris avec un père ivrogne, restée honnête dans cette infortune, d’une éducation trop rudimentaire malheureusement pour être institutrice ou donner des leçons de piano, elle est entrée au Bonheur des Dames, sur la recommandation de madame Desforges, et a été mise au service des échantillons. Deux comtesses et une baronne sont déjà casées au service de la publicité, où elles font des bandes et des enveloppes. Mademoiselle de Fontenailles boit probablement ; sa maigreur a des teintes plombées,’ et ses mains seules, blanches et fines, disent encore la distinction de sa race [355]. Ayant un salaire journalier de trois francs, qui lui permet tout juste de ne pas mourir, logée en une petite chambre de la rue d’Argenteuil, elle vit dans l’hébétement de sa déchéance. Mariée au garçon de magasin Joseph, elle a obtenu par faveur un poste d’auxiliaire; elle porte une grande blouse noire, marquée à l’épaule d’un chiffre en laine jaune [496], et cette ancienne marquise, recueillie par charité, promène dans les magasins son masque épais et terreux de servante [498]. (Au Bonheur des Dames.)
Fouan, dit Buteau. — Voir BUTEAU.
Fouan (Fanny). — Voir DELHOMME (Madame.)
Fouan (Hyacinthe). Voir JESUS-CHRIST.
Fouan (Joseph-Casimir). — Père de Marianne, de Louis, de Michel et de Laure. Est né en 1766. Appartient à une famille qui a poussé et grandi, depuis des siècles, comme une végétation entêtée et vivace, en un coin de Beauce. Anciens serfs des Rognes-Bouqueval, les Fouan ont dû être affranchis sous Philippe le Bel. Ils sont devenus propriétaires, un arpent, deux peut-être, achetés au seigneur dans l’embarras. Puis, en une lutte de quatre cents ans, ils ont défendu et arrondi ce bien dérisoire, sans cesse remis en question, écrasé d’impôts. De longues générations de Fouan ont engraissé le sol et, lors de la révolution de 89, le Fouan d’alors, Joseph-Casimir, possède vingt et un arpents, conquis en quatre siècles sur l’ancien domaine seigneurial. Il a cent écus à peine de côté et, trop prudent pour emprunter, craignant aussi un retour des nobles, il ne prend aucune part à ces ventes de biens nationaux qui devaient enrichir tant de bourgeois. Joseph-Casimir reste dès lors inconsolable d’avoir vu les terres des. Rognes-Bouqueval passer aux mains du citadin Isidore Hourdequin, plus audacieux que lui. Devenu vieux, il partage les vingt et un arpents entre trois de ses enfants, restés à Rognes, Marianne, Louis et Michel, et il dédommage en argent sa fille cadette, Laure [31]. (La Terre.)
Fouan (Laure). — Voir BADEUIL (Madame Charles).
Fouan (Louis), dit Le Père Fouan. —Fils de Joseph-Casimir. Mari de Rose Maliverne. Père de Jésus-Christ, de Buteau et de Fanny Delhomme. Il a eu en partage sept arpents de terre et a épousé Rose, héritière de douze arpents, il a cultivé ces biens avec acharnement, il les a augmentés lopins à lopins, au prix de lapins sordide avarice. Telle parcelle représente des mois de pain et de fromage, des hivers sans feu, des étés de travaux brûlants, sans autre soutien que quelques gorgées d’eau. Il a aimé la terre en femme qui tue et pour qui on assassine. Ni épouse, ni enfants, ni personne, rien d’humain: la terre! [20] Pendant des années, tous, la femme, les enfants ont tremblé sous lui, sous ce despotisme rude du chef de la famille paysanne [27]. Il a ainsi vécu jusqu’à soixante-dix ans. Sauf ses jambes, il est gaillard encore, bien tenu; il a de petits favoris blancs, en pattes de lièvre correctes ; le long nez de la famille aiguise sa face maigre, aux plans de cuir coupés de grands plis. Mais, jadis très robuste, il est maintenant desséché et rapetissé, son corps se courbe, comme pour retourner à cette terre, si violemment désirée et possédée. Et l’heure est, venue: comme le père Fouan ne peut plus cultiver lui-même, qu’il ne veut pas introduire chez lui des étrangers qui pilleraient, que son cœur se fend de voir la bonne terre se gâter faute de soin, que d’autre part, la donation entre vifs offre aux familles une économie sur les droits d’héritage, il se décide à céder le bien à ses fils, comme son père le lui a cédé à lui-même, enragé de sa vieillesse impuissante. La maison qu’il habite au bas de Rognes vient de sa femme rose; ils garderont cette maison et le jardin, jouiront de redevances en nature, et chacun des enfants leur servira deux cents francs de rente viagère. Fouan pourrait vivre satisfait, car il possède un magot, trois cents francs de rente, que nul ne connaît. Mais quinze jours après le partage, malade de n’avoir plus de terre, il fait la sottise de conclure un marché de dupe avec le père Saucisse, celui-ci cédant, après sa mort, un arpent de bien, à la condition de recevoir, sa vie durant, quinze sous chaque matin. Et c’est une dernière illusion, où le père Fouan contente vaguement sa passion de la terre.
Aujourd’hui, il connaît le supplice de l’oisiveté, plus de bêtes, plus de travail, ni rien qui grouille, dans le vide des bâtiments et de la cour. C’est une existence morne, ses bras se détraquent dans le repos, pareils à d’antiques machines jetées aux ferrailles [132]. Et comme les enfants, devenus rapaces depuis qu’ils possèdent, font mal leur devoir, comme les redevances en nature sont pitoyablement acquittées, que Jésus-Christ ne paye pas un sou de sa part, que Buteau liarde, les anciens doivent se restreindre et même tuer leur vieux chien, qui coûte trop à nourrir. C’est le premier sacrifice. Devenu veuf, le père Fouan vit un an, silencieux dans la maison déserte. El son autorité peu à peu morte s’étant réfugiée dans une obstination de vieil homme, même contraire à son bien-être, il refuse longtemps d’aller vivre avec ses enfants. Mais l’existence devient intenable; Fouan affaibli, la voix cassée, les bras débiles, les reins courbés chaque jour davantage, se laisse recueillir par les Delhomme, qui sont las d’être seuls à payer la rente ; le vieux n’avait plus de terre, il n’aura plus de maison [231]. Et comme Fanny, susceptible et maniaque, lui fait la vie dure, il change de logis, accepte tour à tour l’hospitalité de ses deux fils, Buteau qui le rudoie et Jésus-Christ qui le pressure, tous deux ayant deviné le magot et voulant s’en emparer; c’est une sourde lutte, d’où Buteau sortira vainqueur.
Fouan, définitivement dépouillé, mis dehors par ses enfants, retombé dans le mépris de tous, erre pendant une nuit et un jour entier autour de ses anciennes terres; les chiens qui ont un toit de paille lui font envie [417]. Et tout son corps tremble sous la violence de la faim, sa tête ne commande plus, ses jambes marchent toutes seules, la bête le ramène chez Buteau, où il vivra désormais isolé, à des lieues, restant dans son silence comme séparé et enseveli, sans un regard, sans un mot, l’air d’un aveugle et d’un muet, ombre traînante au milieu des vivants [425]. Ce n’est plus le vieux paysan propret. Sa face s’est amincie et décharnée, son grand nez osseux s’allonge vers la terre, ses joues sont envahies d’une barbe blanche, longue et sale ; et il va, les reins cassés, n’ayant plus qu’à faire la culbute finale pour tomber dans la fosse [427]. Mais cette fin normale lui sera refusée. Il a vu le viol et l’assassinat de sa petite-fille Françoise Mouche; un nouveau crime ne coûte rien à Buteau ni à Lise pour supprimer ce témoin gênant, qui est aussi une bouche inutile. Le père Fouan meurt étouffé dans son lit et grillé vif. (La Terre.)
Fouan (Marianne). — Voir GRANDE (La).
Fouan (Michel). — Voir MOUCHE (Le Père).
Fouan (Olympe). — Voir TROUILLE (La).
Fouan (Là Mère). — Voir MALIVERNE (Rose).
Foucarmont. — Officier de marine. Dans les soupers, il se vante d’avoir bu de tous les vins imaginables à travers les cinq parties du monde et de ne pouvoir pas se griser [118], mais il n’en finit pas moins par être ivre mort et son amie Louise Violaine doit le soigner toute la nuit [125]. Foucarmont a amassé en dix années de voyage une trentaine de mille francs, qu’il veut risquer aux États-Unis. Tombé aux mains de Nana, il se ruine rapidement, il donne tout, jusqu’à des signatures sur des billets de complaisance, engageant son avenir. Lorsque Nana le pousse dehors, il est nu. Mais elle se montre très bonne et lui conseille de retourner sur son bateau [485]. (Nana.)
Foucart. — Restaurant à vingt-cinq sous, fréquenté par Jory, Mahoudeau et leur bande [177]. (L’Œuvre.)
Foucart (Madame). — Sage-femme A Paris, demeurait en 1850 rue des Deux-Écus. A connu Sidonie Rougon lorsque celle-ci tenait un commerce de produits du Midi, rue Saint-Honoré. C’est elle qui l’a accouchée et qui a porté l’enfant à l’Assistance publique. Dix ans plus tard, on la retrouve rue Censier. C’est une femme énorme, tassée sur des jambes courtes [50]. (Le Rêve.)
Fouchard. — Père d’Honoré. Oncle maternel d’Henriette et de Maurice Levasseur. Un paysan de Remilly, devenu boucher par besoin de lucre ; il promène sa viande dans vingt communes des environs. C’est un grand vieillard en blouse, à la rude chevelure blanche, à la face carrée, coupée de larges plis, au nez fort, aux yeux gros et pâles, au menton volontaire [157]. D’une avarice noire, d’une impitoyable dureté, il s’est opposé au mariage d’Honoré avec la petite servante Silvine Morange, mais il a gardé tranquillement la fille, espérant à tort que tes jeunes gens se contenteraient ensemble, sans se marier. Après dix-huit mois de patience, Honoré a rompu avec son père et s’est engagé par un coup de tête. Fouchard a gardé la servante, dont il était content, et l’a vue, avec plaisir, séduite par Goliath Steinberg, ce qui avait l’avantage déterminer l’aventure [96].
A la veille du passage des troupes françaises, en marche vers Sedan, Fouchard a fait disparaître son bétail, les quelques animaux à son service, ainsi que les bêtes réservées à sa boucherie, les cachant au fond de quelque carrière abandonnée ; il a passé des heures à tout enfouir chez lui, le vin, le pain, les moindres provisions, jusqu’il la farine et au sel ; et il refuse de donner même un verre d’eau aux soldats français [158], préférant attendre de meilleures occasions ; de vagues idées de commerce se sont ébauchées dans son crâne de vieillard patient et rusé. La mort de son fils, tué au calvaire d’Illy, lui arrache quelques larmes, mais il se console vite en traitant de bonnes affaires; il achète pour quarante-cinq francs trois chevaux d’officiers, volés sur le champ de bataille [435] ; il accepte Prosper Sambuc comme garçon de ferme, parce que le soldat, échappé à la captivité, ne lui coûtera pas de gages [412].
Tandis que râle le pays entier, saigné aux quatre membres, Fouchard trouve le moyen d’élargir tellement son commerce de boucher en détail qu’il abat à cette heure le triple et le quadruple de bêtes ; il a fait des marchés superbes avec l’ennemi, haussant les épaules devant le muet reproche des voisins, disant que c’est son patriotisme, à lui, de ne pas donner gratis, aux Prussiens, de la nourriture par-dessus la tête [505]. Et ce paysan goguenard estime qu’il en a plus tué avec ses vaches malades que bien des soldats avec leur chassepot. Les francs-tireurs des bois de Dieulet, Guillaume Sambuc, Cabasse, Ducat, sont ses pourvoyeurs de bêtes crevées [021]. Un instant soupçonné d’avoir participé à l’exécution de Goliath Steinherg, il a été arrêté, maison le relâche peu après, grâce à l’intervention du capitaine de Gartlauben, ami des Delaberche. Fouchard, d’ailleurs, commence à en avoir assez des Prussiens, qui maintenant le chicanent sur la qualité de ses fournitures. Gros monsieur désormais, il ne montrera son magot qu’à la fin de la guerre [565]. (La Débâcle.)
Fouchard (Honoré). — Fils unique du vieux Fouchard. A vingt ans, en 1867, il a tiré un bon numéro, ravi de pouvoir épouser la petite Silvine Morange, servante chez son père. Mais devant la rude opposition de ce dernier, il s’engage et est envoyé en Afrique, dans l’artillerie. Quand il a su l’aventure de sa chère Silvine, séduite par Steinberg et devenue mère, il est resté trois mois à l’hôpital et n’a jamais voulu profiter d’un congé pour revenir au pays. À l’heure de la guerre, c’est un maréchal des logis, à l’air crâne et d’aplomb, avec ses moustaches et sa barbiche brunes [4]. Sur les routes d’Alsace, il défile, campé fièrement sur son cheval, à la gauche de sa pièce, soignée, astiquée, éclatante ainsi qu’un soleil, admirée de tout le monde, des bêles et des gens, serrés autour d’elle, dans une discipline et une tendresse de famille brave [35]. Honoré a reçu de Silvine une lettre disant qu’elle l’aime toujours, qu’elle n’a jamais aimé que lui [97], il en tremble de bonheur, et lorsque, de passage à Remilly, il la revoit, c’est pour lui pardonner ; il l’épousera dès qu’il sera rentré du service, on n’étranglera pas le petit, d’autres pousseront, on finira par ne plus le reconnaître dans le tas [173].
Sa batterie est parmi celles qui, dans la journée du 1er septembre, défendent un instant le calvaire d’Illy; elles y arrivent dans un ordre superbe, on les dirait à la parade [308], mais tandis que leurs obus éclatent en l’air, loin du but, les batteries prussiennes, elles, règlent leur tir en deux coups et atteignent aussitôt les pièces françaises, qui sont rapidement démontées, malgré leurs changements de position, bravement accomplis sous le feu [312]. Fou de rage de voir sa pièce blessée, bouche écornée et roue détruite, Honoré veut la sauver comme on sauve le drapeau, il remplace la roue sous la mitraille, mais, au moment de la retraite définitive, il est foudroyé, le bras droit arraché, le flanc gauche ouvert. Tombé sur le canon, il y reste étendu, comme sur un lit d’honneur, la face intacte et belle de colère, et ses doigts crispés ont retrouvé la lettre de Silvine, que son sang tache goutte à goutte [315]. (La Débâcle.)
Fougeray (Mademoiselle De). — Fille aînée de la baronne de Fougeray. Est entrée aux Carmélites. On assure qu’elle a aimé un jeune homme et que celui-ci est mort. La prise de voile de cette pauvre enfant intéresse tout Paris et défraye les conversations des mardis de la comtesse Muffat [82] et des soupers d’actrices [114]. (Nana).
Fouque (Adélaïde), dite Tante Dide (l).— Mère et aïeule des Rougon-Macquart. Elle a donné naissance à la branche légitime, par Pierre Rougon, et aux deux branches bâtardes, par Ursule et Antoine Macquart. Adélaïde, née en 1768, est orpheline à dix-huit ans. Père mort fou. Elle est une grande créature mince, pâle, aux regards effarés, aux lèvres charnues, bizarre d’allures, on lui croit le cerveau fêlé. Héritière des plus riches maraîchers du pays, elle épouse un lourd jardinier, Rougon, qui meurt quinze mois après, lui laissant un fils, Pierre. Avant la fin de son deuil, elle est la maîtresse du contrebandier Macquart, qu’elle aime d’un amour de louve, et elle en a deux enfants, Antoine et Ursule, élevés côte à côte avec Pierre. Dès les premières couches, elle a subi des crises nerveuses qui s’aggravent lorsque son amant, surpris à la frontière pendant qu’il introduisait de la marchandise en fraude, est tué par le fusil d’un douanier. Les troubles hystériques d’Adélaïde la jettent dans des convulsions terribles, la détraquent complètement en peu d’années [51] et la livrent sans défense aux duretés de son fils légitime. Dès quarante-deux ans, elle a des airs vagues de vieille femme tombée en enfance. Elle s’est retirée ans la masure de Macquart et vit d’une pension de six cents francs, que Pierre lui a consentie lorsqu’il l’a dépouillée de sa fortune [64] ; elle vieillit dans une existence monacale, en un renoncement absolu, avec des accidents nerveux périodiques. A soixante-quinze ans, Adélaïde a la face blême, un masque vague, les regards éteints, les mains agitées d’un tremblement sénile [162]. Elle recueille son petit-fils Silvère Mouret, âge de six ans, qui l’appelle tante Dide et pour qui elle se prend d’une tendresse ineffable [163]. L’enfant grandit avec elle, la soignant, l’aimant, et lorsqu’au coup d’Etat, il meurt sous ses yeux, victime des haines et des luttes sanglantes de la famille, tué par un gendarme comme l’a été le grand-père Macquart, tante Dide, maudissant ses fils criminels, achève de devenir folle et est enfermée dans l’Asile d’aliénés des Tulettes. (La Fortune des Rougon.)
Elle est toujours internée comme folle et reste une des laies vives de la famille. La petite propriété de son fils Antoine Macquart est voisine de l’Asile. Pierre Rougon semble avoir posté là le vieux drôle pour veiller sur l’aïeule [57]. Adélaïde n’a jamais donné de l’ennui à la maison : elle reste assise, à regarder devant elle; depuis douze ans, elle n’a as bougé [364]. (La Conquête de Plassans.)
A cent quatre ans, elle vit toujours, ainsi qu’une oubliée, une démente calme, au cerveau ossifié, chez qui la folie peut rester indéfiniment stationnaire, sans amener la mort. C’est un squelette jauni, desséché, tel qu’un arbre séculaire, dont il ne reste que l’écorce [73]. Dans son mince et long visage, il n’y a plus que les yeux de vivants, des yeux d’eau de source, vides et clairs, sans pensée. Immuable en son fauteuil, tante Dide est là, comme le témoin gênant du passé, comme un spectre de l’attente et de l’expiation qui évoque, vivantes, les abominations de la famille [224] et fait peur à Félicité Rougon. Un accident soudain, le petit Charles Saccard atteint d’une hémorragie nasale, le filet de sang venant former une flaque aux pieds de la folle, réveille ce cerveau endormi depuis vingt et un ans. La vieille aïeule revoit dans un éclair le gendarme qui, d’un coup de pistolet, a cassé la tête de Silvère, elle revoit aussi l’homme qui a fusillé, comme un chien, le contrebandier Macquart; ce troisième choc sanglant achève de l’abattre et elle meurt le lendemain, âgée de cent cinq ans trois mois et sept jours, enlevée par une congestion pulmonaire [244]. (Le Docteur Pascal.)
(l) Adélaïde Fouque, dite tante Dide. Née en 1768; mariée en 1786, à Rougon, lourd et placide jardinier; en a un fils en 1787; perd son mari en 1788; prend, en 1789, un amant, Macquart, déséquilibré et ivrogne, contrebandier: en a un fils en 1789 et une fille en 1791; devient folle et entre à l’Asile d’aliénés des Tulettes, en 1851 ; y meurt d’une congestion cérébrale en 1873, a l’âge de 105 ans. [Névrose originelle]. (Arbre généalogique des Rougon-Macquart.)
Fousset (Le Père). — Tenancier de la ferme de Millouard, dans le canton d’Orgères. Victime de la bande des chauffeurs, commandée par le Beau-François [67]. (La Terre.)
Franchomme (Louis).— Cousin de Françoise Hamelin. Ouvrier fleuriste, demeurant à Paris. Tombé malade, est allé vivre un mois à Soulanges. Revenu à Paris, il y est mort peu après [14]. (Le Rêve.)
Franchomme (Thérèse). — Sœur de Rabier. Femme de Louis Franchomme. L’assistance publique lui a confié, le 20 juin 1860, Angélique Marie, fille non déclarée de Sidonie Rougon, précédemment élevée par Françoise Hamelin; Thérèse doit enseigner à l’enfant l’état de fleuriste. Mais, veuve trois mois après, elle se retire chez son frère, à Beaumont, et c’est là qu’elle meurt bientôt, laissant Angélique Marie aux Rabier [15]. (Le Rêve.)
Francis. — Le coiffeur de Nana. Très à l’aise, l’air digne, mis correctement, il affecte un flegme anglais [66]. Au besoin, il avance quelques louis aux dames et prête de l’argent, sur garanties sérieuses, à leurs entreteneurs. Avec la collaboration de Labordette, Francis a trouvé cent mille francs pour le comte Muffat ; il les pose discrètement sur le marbre de toilette de Nana, parmi les poudres et les pommades [363]. (Nana.)
Francis. — Cocher des Grégoire, chargé des gros ouvrages [80]. (Germinal.)
François. — Marchand devin au coin de la rue des Poissonniers et de la rue de la Goutte-d’Or. C’est un manne-zingue de l’ancien jeu, boutique noire sous un plafond bas, avec une salle enfumée, à côté, dans laquelle on vend de la soupe. Coupeau reste des journées entières chez François, à jouer des canons au tourniquet [192]. (L’Assommoir.)
François. — Concierge et valet de pied de Nana. Mari de Victorine, la cuisinière. Il reçoit les visiteurs dans le vestibule, en culotte courte, poudré, portant la livrée de Nana, bleu clair et galon d’argent [343]. (Nana.)
François (Madame). — Maraîchère à Nanterre. Veuve. Trente-cinq ans, un peu forte, teint rude, belle de sa vie en plein air et de sa virilité adoucie par des yeux noirs d’une tendresse charitable; grand visage calme, serré au front par un foulard noir et jaune. Pas de famille, a eu un neveu qui a mal tourné et qui s’est engagé. Madame François vient toutes les nuits à la Pointe Saint-Eustache, avec sa voiture de légumes traînée par Balthazar; elle est pleine de dédain pour Paris et le traite en ville très éloignée, tout à fait ridicule et méprisable. C’est elle qui a ramassé Florent, la nuit où, exténué et mourant de faim, il était tombé en travers de l’avenue de Neuilly. Quand il la revoit plus tard, elle lui fait l’effet d’une plante saine et robuste, qu’il oppose en sa pensée aux belles filles des Halles, chairs suspectes, parées à l’étalage [246]. (Le Ventre de Paris.)
Françoise. — Femme de chambre de madame Théophile Vabre. Comme elle vient d’être congédiée au moment où le mari découvre une lettre compromettante pour sa femme, Trublot suggère l’idée d’attribuer cette lettre à un amant de la domestique [202]. (Pot-Bouille.)
Françoise. — La servante des Sandoz, dans leur petit pavillon de la rue Nollet [252]. (L’Œuvre.)
Frangipane. — Cheval de courses, au baron Verdier, par The Truth et Lenore. Un grand bai engagé dans le Grand Prix de Paris et qu’on a fourbu à l’entraînement [388]. (Nana.)
Frédéric (Madame). — Seconde du rayon de confections, au Bonheur des Dames. C’est une veuve maigre et laide, à la mâchoire saillante et aux cheveux durs [61]. Les vendeuses la plaisantent, lui prêtent des relations discrètes avec de grands personnages. Mais on ne sait rien de ses affaires de cœur; elle disparaît le soir, raidie dans sa maussaderie de veuve, l’air pressé, sans que personne puisse dire où elle court si fort [159]. Un jour, sans avoir prévenu, au grand scandale de madame Aurélie, elle donne tranquillement son congé, passant à la caisse pour faire régler son compte, lâchant le Bonheur d’une minute à l’autre, comme le Bonheur lui-même lâche ses employés. On la soupçonne d’avoir quitté les nouveautés pour épouser le propriétaire d’un établissement de bains, du côté des Halles [309]. (Au Bonheur des Dames.)
Frimat. — Vieux paysan de Rognes. Un voisin des Mouche. Est devenu paralytique [104]. (La Terre.)
Frimat (La). — Femme du père Frimat. Elle est réputée au village pour ses connaissances, on a recours à elle dans les cas difficiles afin de s’éviter la visite du vétérinaire. C’est une grande vieille sèche, osseuse, qui soigne son mari et le fait vivre en cultivant elle-même, avec une obstination de bête de somme, l’unique arpent qu’ils possèdent [104]. Sa continuelle doléance est le manque de fumier, elle en est venue à se servir de tout ce que son vieux et elle font, de cet engrais humain si méprisé, qui soulève le dégoût, même dans les campagnes. On l’appelle la mère Caca [123]; ses choux et ses carottes ont beau être superbes, ils subissent une défaveur au marché. La Frimat a les soins les plus attentifs pour son mari; le vieil infirme est devenu comme son enfant, qu’elle porte, change, gâte de friandises [410]. Elle pleure à la pensée qu’il va mourir [514]. (La Terre.)