Dictionnaire des personnages – C

C

 

Cabasse. — Franc-tireur des bois de Dieulet. Grand et sec, face noire, long nez en lame de couteau, vivacité criarde de Provençal. Il est né à Toulon; c’est un ancien garçon de café venu de Marseille, échoué à Sedan comme placier de produits du Midi, et qui a failli tâter de la police correctionnelle, toute une histoire de vol restée obscure. Quoiqu’il sache a peine lire, Cabasse est le compagnon préféré de Ducat, un lettré qui cite du latin ; tous deux tout la paire, une paire inquiétante de louches figures. Avec le sergent Guillaume Sambuc, ils appartiennent à une de ces compagnies franches qui, pendant la guerre franco-allemande, se peuplèrent de déclassés, heureux d’échapper à la discipline, de battre les buissons comme des bandits en goguette, dormant et godaillant au hasard des routes [139]. Cabasse participe à l’exécution du Prussien Goliath Steinberg, mais il blâme le simulacre de jugement imaginé par Sambuc, car ça porte malheur de plaisanter avec les choses de la justice [536]. (La Débâcle.)

Cabin (Madame). — Employée au Bonheur des Dames. Est chargée du nettoyage des chambres et de la surveillance des vendeuses [106]. Les scrupules ne la gênent pas. Avec un cadeau de cinq francs, ces demoiselles obtiennent la permission de la nuit [154]. (Au Bonheur des Dames.)

Cabiroche (Simonne). — Petite femme des Variétés. Blonde toute mignonne, toute délicate. C’est la tille d’un marchand 4e meubles du faubourg Saint-Antoine, élevée dans un grand pensionnat pour être institutrice [111]. Joue du piano, parle anglais. Bordenave couche avec elle et la bouscule [402]. Simonne joue le rôle d’Isabelle dans la Petite Duchesse [306]. Elle est lancée par Steiner [315]. (Nana.)

Cabuche. — Carrier à Bécourt. Un gaillard au cou puissant, aux poings énormes, blond, très blanc de peau, la barbe rare, à peine un duvet doré qui frise, soyeux. La face massive, le front bas disent la violence de l’être borné, tout à la sensation immédiate; mais il y a comme un besoin de soumission tendre, dans sa bouche large et dans son nez carré de bon chien [126]. Condamné à cinq ans de prison pour avoir tué, dans un cabaret, un homme qui avait tapé le premier, Cabuche n’a fait que quatre ans, à cause de sa bonne conduite; quand il est revenu, tout le monde le fuyait, on lui aurait jeté des pierres.

La petite Louisette, cadette de madame Misard, avait alors quatorze ans, elle le rencontrait toujours dans la forêt; seule de tout le pays, elle s’approchait, causait et c’est ainsi qu’ils sont devenus bons amis, se tenant par la main pour se promener, s’aimant très fort, sans que rien se passe entre eux. La petite a été placée au château de Doinville, chez madame Bonnehon, et un soir, en rentrant de la carrière, Cabuche qui habitait une masure en pleine forêt, a trouvé devant sa porte Louisette, à moitié folle, si abîmée qu’elle brûlait de fièvre. L’auteur du viol était le vieux président Grandmorin, et Cabuche, dans son effroyable colère, a dit partout qu’il saignerait ce cochon. Tel est l’indice qui va suffire au juge Denizet pour lui attribuer l’assassinat commis par les Roubaud et comme, plus tard, le bon colosse, tout tremblant d’adoration pour Séverine Aubry, sera trouvé aux pieds de la jeune femme égorgée par Jacques Lantier, la justice le condamnera sans hésitation aux travaux forcés à perpétuité, pour deux crimes dont il est innocent [405]. (La Bête humaine.)

Cadine. — Enfant recueillie à deux ans, par la mère Chantemesse, sur le trottoir de la rue Saint-Denis, au coin du marché des Innocents. Est élevée rue au Lard, en plein ventre de Paris [196]. Futée et mince, avec un drôle de museau, sous la broussaille noire de ses cheveux crépus [28], Cadine est l’inséparable amie de Marjolin et grandit avec lui dans les Halles, qu’ils emplissent de leurs amours de moineaux insouciants [207]. Pleine d’ingéniosité, à six ans elle était marchande an petit tas, à huit ans elle vendait des citrons, l’année suivante des bonnets à neuf sous, puis des gâteaux, puis du mouron. Cadine entre chez une fleuriste où elle est comme un bouquet tiède et vivant [202] et enfin, à treize ans, elle s’établit à son compte, vendant des violettes sur un éventaire [205]. A seize ans, c’est une fille échappée, une bohémienne noire du pavé, très gourmande, très sensuelle [207]. Elle reste pleine d’affection pour Marjolin, même lorsqu’une chute sur la tète a rendu ce garçon tout à fait inconscient. Ils se sont liés avec Léon, l’apprenti des Quenu, et c’est, dans sa petite chambre, des bombances de charcuterie [221]. Claude Lantier, qui admire Cadine et Marjolin, ces jeunes bêtes heureuses abandonnées à l’instinct, les appelle « ses deux brutes ». (Le Ventre de Paris.)

Caffin (Abbé). — Prédécesseur de l’abbé Mouret à la cure des Artaud. Était originaire de Normandie; avait une grosse figure qui semblait toujours rire [286]. N’a songé qu’à bien vivre, dans ce coin desséché de Provence où l’autorité ecclésiastique l’a envoyé en disgrâce, à la suite d’une vilaine histoire [301]. (La Faute de l’abbé Mouret.)

Campardon (Achille). — architecte. Il a vécu d’abord à Plassans, puis à Paris et habite rue de Choiseul, dans l’immeuble Vabre, au troisième sur la rue, une maison pleine de toutes les pourritures bourgeoises. Gros monsieur blond, quarante-deux ans. Il s’est fait une tête d’artiste, les cheveux en coup de vent, la barbe taillée à la Henri IV, mais il a le crâne plat et la mâchoire carrée d’un bourgeois d’esprit borné, aux appétits voraces. Tout en affectant de se moquer de la morale, il s’est sournoisement poussé par les prêtres, il a su se faire nommer architecte diocésain à Evreux pour acquérir le titre d’architecte du gouvernement et, finalement, a obtenu une grosse commande à Saint-Roch. Il est décoré un peu plus tard, grâce à la protection de l’abbé Mauduit.

Heureux et satisfait dans tous ses appétits, Campardon a fort bien arrangé sa vie entre sa femme malade et sa maîtresse Gasparine, les installant au même foyer. Mais il blâme hypocritement l’inconduite des autres, défendant toujours la respectabilité de la maison, avec une conviction de locataire vaniteux, qui semble tirer de là toute une honnêteté personnelle [77]. Autrefois libéral, il est devenu clérical et autoritaire; la réussite fait de lui un réactionnaire féroce [281]. (Pot-Bouille.)

Campardon (Madame Achille). — Voir DOMERGUE (Rose).

Campardon (Angèle). — Fille des Campardon. A quatorze ans, elle est longue et laide, avec des cheveux d’un blond fade. Pour qu’elle n’apprenne pas de vilaines choses dans les pensionnats, on l’élève à la maison, on écarte d’elle jusqu’aux souffles de la rue ci, comme ses parents tiennent à en faire une femme d’intérieur, elle vit beaucoup avec les bonnes. C’est un produit de l’éducation dans la famille. Quand elle se sent regardée, elle marche les yeux à terre; elle a un air énigmatique de fille bien élevée, instruite à ne rien dire et dont on ignare les pensées vraies [229]. Pourtant, grâce à l’intimité de la femme de chambre Lisa, Angèle sait beaucoup de choses, elle satisfait aisément ses curiosités de fille maladive, troublée par la crise de la puberté. (Pot-Bouille.)

Campenon. — Un imbécile à qui M. de Marsy accorde un poste de préfet qu’Eugène Bougon avait promis à Du Poizat [121]. (Son Excellence Eugène Rougon.)

Campion. — Chef du départ au Bonheur des Daines. Un ancien sergent à figure maigre [49]. (Au Bonheur des Dames.)

Camy-Lamotte. — Secrétaire général du ministère de la justice, personnage considérable, ayant la haute main sur le personnel, chargé des nominations. C’est un bel homme, parti de l’emploi de substitut, et que ses relations et sa femme ont fait nommer député et grand officier de la Légion d’honneur [101]. Il a une figure mince et sévère, que ses favoris grisonnants élargissent un peu, une élégance d’ancien beau, resté svelte, d’une distinction que l’on sent souriante, sous la raideur voulue de la tenue officielle. Il habite rue du Rocher, au coin de la rue de Naples. Familier des Tuileries, où sa fonction le fait mander presque journellement, tout aussi puissant que le ministre, employé à des besognes intimes, il a une insouciance expérimentée de toutes choses et veille uniquement au décor du régime qu’il sert [144].

En examinant les papiers du président Grandmorin, M. CamyLamotte a découvert l’identité des assassins, mais on s’irrite, on s’inquiète en haut lieu du scandale mené par l’opposition autour des basses débauches de la victime; le secrétaire général comprend que son devoir de haut fonctionnaire dévoué aux institutions est d’aplanir les difficultés politiques ; d’autre part, il a été gagné par la bravoure et le charme de Séverine Roubaud; la criminelle délicate, aux veux de pervenche, a plu à ce désabusé pour qui rien ne vaut la fatigue d’être juste. Aussi arrange-t-il l’affaire, achetant d’un ruban rouge et d’une, promesse d’avancement l’intelligent concours du juge d’instruction Denizet [397]. (La Bête humaine.)

Canivet. — Vieux paysan beauceron, dont Zéphyrin Lacour annonce la mort à la cuisinière Rosalie Pichon [84]. (Une Page d’Amour.)

Carnavant (Marquis de). — Était vers 1790 un jeune noble du quartier Saint-Marc, à Plassans; il se trouvait lié avec le ménage Puech et a été sans doute le véritable père de Félicité. En 1818, c’est un petit homme de soixante-quinze ans, maigre, actif [90]. Ruiné par les femmes, il vit en parasite chez un parent, le comte de Valqueyras; il est l’agent actif du parti légitimiste, mais sceptique et sentant le vent, il favorise, tout en s’en moquant, les manœuvres bonapartistes des Rougon et, après le coup d’État va se faire oublier quelque temps dans le domaine de Corbière [370]. (La Fortune des Rougon.)

Caroline. — Ouvrière fleuriste chez les Titreville, rue du Caire. S’est mise avec un garçon qui venait l’attendre le soir, elle est très mal heureuse en ménage [460]. (L’Assommoir.)

Caroline (Madame). — Sœur de l’ingénieur Georges Hamelin. Orpheline à dix-huit ans, elle a donné des leçons, soutenant son frère entré à Polytechnique, l’adorant, faisant le rêve de ne le quitter jamais. La bonne grâce et l’intelligence de la jeune fille ont conquis Durieu, un brasseur millionnaire; il l’a épousée, mais au bout de quelques années de mariage, elle a du exiger une séparation pour ne pas être tuée par ce mari qui buvait et la poursuivait, avec un couteau à la main, dans des crises d’imbécile jalousie. Elle avait alors vingt-six ans et s’est retrouvée pauvre, n’ayant voulu recevoir aucune pension de l’homme qu’elle quittait. Rendue ainsi à son frère, elle est partie avec lui pour l’Égypte, et a donné des leçons à Alexandrie pendant qu’il parcourait la contrée; ils sont allés de là en Syrie, ont visité les Lieux Saints et sont enfin revenus en France, lui avec un portefeuille débordant d’idées et de plans, elle avec des, aquarelles sans prétention où elle avait fixé des vues de là-bas, tous deux frémissants d’enthousiasme pour les pays traversés. Et ils se débattent à Paris, victimes d’une malchance noire, échoués dans un petit appartement de l’hôtel d’Orviedo, où ils vont se lier avec Aristide Saccard.

Madame Caroline est une femme d’une taille admirable. Grande, solide, la démarche franche et très noble, elle a des cheveux blancs superbes, une royale couronne de cheveux blancs, d’un singulier effet sur ce front de femme jeune encore, âgée de trente-six ans. Dès vingt-cinq ans, elle est ainsi devenue toute blanche. Ses sourcils, restés noirs et très fournis, donnent une jeunesse, une étrangeté vive à son visage encadré d’hermine; elle n’a jamais été jolie, avec son menton et son nez trop forts, sa bouche large dont les grosses lèvres expriment une bonté exquise. Mais certainement, cette toison blanche, cette blanche envolée de fins cheveux de soie, adoucit sa physionomie un peu dure, lui prête un charme souriant de grand’mère, dans une fraîcheur et une force de belle amoureuse. Madame Caroline a échappé à sa première éducation catholique par une lecture immense, par toute la vaste instruction qu’elle s’est donnée à côté de son frère, resté profondément religieux. Elle parle quatre langues, a lu les économistes, les philosophes, et a rapporté de ses voyages, de son long séjour parmi des civilisations lointaines, une grande tolérance, un bel équilibre de sagesse. Elle est une intelligence, dans sa simplicité et sa bonhomie [57]. C’est la femme vaillante qui préfère l’action aux apitoiements bavards; dans ses plus grandes infortunes, elle reste vibrante d’allégresse, gonflée d’un espoir immense, rêvant des choses heureuses ; l’existence la reprend toujours, il semble que son cas soit justement celui de l’humanité, qui vit, certes, dans une misère affreuse, mais que regaillardit la jeunesse de chaque génération. Elle est faite pour les catastrophes, lui dit son frère ; elle est l’amour de la vie [731. Quand elle aura touché le fond du désespoir, l’espoir renaîtra de nouveau, brisé, ensanglanté, mais vivace quand même, plus large de minute en minute [445].

Telle est la femme qui va entrer dans la vie de Saccard. D’abord son intendante, aimant ce prodigue comme on aime les enfants mauvais sujets [63], elle devient sa maîtresse par une sorte de paralysie de sa volonté, un jour de gros chagrin où elle a appris la défection de son ami Beaudoin [64]; c’est entre elle et Saccard un ménage de raison, où elle est presque maternelle, d’une affection calmante [175], puis, quand la douleur d’une trahison lui révèle qu’elle l’aime vraiment, elle veut rester supérieure à l’angoisse du partage, dégagée de l’égoïsme charnel de J’amour. Et si elle aime Saccard, ce bandit du trottoir financier, c’est parce qu’elle le voit, actif et brave, créer un monde, faire de la vie [9-149]. Son amour traverse de longues crises. Elle ne veut plus juger Saccard, trouvant qu’il y a en lui du pire et du meilleur [174]; des doutes l’assaillent, elle maudit l’argent pourrisseur, empoisonneur, qui dessèche les âmes, en chasse la bonté, la tendresse, l’amour des autres [239], puis, elle comprend que cet argent abominable est le fumier par lequel poussent les grandes entreprises vivantes et fécondes.

Saccard l’épouvante dans ses deux fils, Victor tombé à la plus affreuse déchéance [161] et le joli Maxime, d’un si froid égoïsme, qui l’initie aux hontes du passé [238]. Elle est sans cesse torturée dans ses instincts d’équité et de droiture. Plus tard, devant les désastres accumulés par la Banque Universelle, sa propre ruine, le déshonneur de son frère, tant de fortunes effondrées, tant de victimes connues et inconnues tombées au ruisseau ou réfugiées dans la mort, elle a un cri d’exécration contre Saccard. Mais l’éternelle question se pose en elle: Est-ce un coquin? Est-ce un héros? [498]. Sa croyance à l’utilité de l’effort vaincra jusqu’au bout et elle oubliera les saletés et les crimes dont l’argent est la cause ; elle en acceptera les hontes inévitables, comme on accepte les souillures de l’amour, nécessaires pour créer la vie. (L’Argent.)

Carouble. — Boulanger à Montsou. Son commerce périclite par la concurrence de Maigrat [284]. (Germinal.)

Casimir. — Débit de boissons, sur la route de Montsou [169]. (Germinal.)

Cassoute. — Terrassier habitant Plassans, grand gaillard de peu de cervelle. Il fait partie du groupe d’insurgés qui accompagne Antoine Macquart chez les Rougon; on le laisse en faction pour signaler la rentrée de Pierre [183] et, renvoyé par celui-ci à la mairie, il s’y laisse arrêter comme un mouton. [281]. (La Fortune des Rougon.)

Catherine. — Bonne de Granoux. Elle parlemente longtemps avant d’introduire Pierre Bougon et Roudier, qui viennent chercher son maître pour sauver Plassans [271]. (La Fortune des Rougon.)

Cauche. — Commissaire de surveillance administrative à la gare du Havre. Un ancien officier qui considère son emploi comme une retraite, ne paraît jamais à la gare avant dix heures, y flâne un moment et retourne au café [88]. C’est un vieux joueur, que son beau sang-froid rend redoutable. Il dit ne jouer que pour son plaisir, il est tenu par ses fonctions de magistrat à garder les apparences de l’ancien militaire, resté garçon et vivant au café, en habitué tranquille; mais souvent il bat les cartes la soirée entière et ramasse tout l’argent des autres [273]. La petite salle du café du Commerce où il se tient au premier étage est ainsi devenue une sorte de tripot où l’on rencontre constamment le sous-chef de gare Roubaud, que l’ami Cauche sera bientôt chargé d’emmener en prison sous l’inculpation d’assassinat [382]. (La Bête humaine.)

Cazenove (Docteur). — Ancien chirurgien de marine. Sec et vigoureux, œil clair. Esprit scientifique. A servi trente ans [7] et s’est retiré à Arromanches, où un oncle lui a laissé une maison. Ami des Chanteau, depuis qu’il a guéri la femme d’une foulure inquiétante [41]. Dîne chez eux tous les samedis avec l’abbé Horteur. Dès le début, a pénétré le caractère de Pauline, dont il du : « Voilà une gamine qui est née pour les autres » [43]. Plus tard, il cherche à l’éclairer, à la défendre contre l’exploitation dont elle est la victime, volontaire [146]. Lorsque Pauline est émancipée, il est nommé curateur et continue ses conseils impuissants. Resté l’ami des Chanteau, il les soigne tous, même le vieux chien Mathieu, abandonné par le vétérinaire. C’est lui qui opère le laborieux accouchement de Louise Chanteau [383]. (La Joie de vivre.)

Cécile (Mademoiselle). — Fille d’un boucher du quartier des Halles. Mademoiselle Saget dit que Cécile est une enfant impossible à marier, parce qu’elle a des humeurs froides [311]. (Le Ventre de Paris.)

Céleste. — Femme de chambre de Renée Saccard. Fille très économe, très honnête et à laquelle on ne connaît pas d’amant [220]. Elle assiste tranquillement à l’inceste de Maxime et de Renée, allant et venant, avec sa figure calme servante et son cœur glacé [190]. Dès son entrée en service, elle s’était promis de retourner au pays quand elle aurait cinq mille francs; le jour où ce rêve est réalisé, elle s’en retourne, dans un parfait détachement de tout, laissant madame désemparée, ne pensant qu’aux deux vaches qu’elle achètera [339]. (La Curée.)

Célestine. — Une amie de la grande Clémence. Une névrosée Elle avait la folie des poils de chat, voyant des poils de chat partout, tournant la langue parce qu’elle croyait avoir du poil de chat plein la bouche [239]. (L’Assommoir.)

César. — Taureau de la ferme de la Borderie. Hollandais noir taché de blanc [9]. Françoise Mouche lui amène une vache, la Coliche, et elle aide à la saillie [40]. (La Terre.)

Chadeuil (Madame). — Modiste rue Sainte-Anne. Le Bonheur des Dames balayera avant deux ans ses chapeaux, pour. tant connus [447]. (Au Bonheur des Dames.)

Chaîne. — Le compagnon du sculpteur Mahoudeau. C’est un gros garçon égaré dans la peinture. On reconnaît un paysan à ses allures lentes, à son cou de taureau, hâlé, durci, en cuir; seul, le front se voit, bombé d’entêtement, car son nez est si court qu’il disparaît entre les joues rouges, et une barbe dure cache ses fortes mâchoires. Chaîne est de Saint-Firmin, à deux lieues de Plassans, un village où il a gardé les troupeaux jusqu’à son tirage au sort. Son malheur est né de l’enthousiasme d’un bourgeois du voisinage, pour les pommes de canne qu’il sculptait avec son couteau, dans les racines; dès lors, devenu le pâtre de génie, le grand homme en herbe du bourgeois amateur, adulé, détraqué d’espérances, il a tout manqué successivement, les études, les concours, la pension de la ville ; par une imbécillité dernière, les conseils de son protecteur l’ont jeté dans la peinture, malgré le goût véritable qu’il montrait à tailler le bois.

Très sûr de sa valeur, confiant dans le succès promis, il est parti pour Paris avec sa part anticipée d’héritage, mille francs, qui doivent suffire à le faire vivre un an, délai suffisant, croit-il, pour devenir un grand homme. Les mille francs ont duré dix-huit mois, puis, à ses derniers vingt francs, il s’est mis en ménage avec son compatriote Mahoudeau, dormant tous les deux dans le même lit, au fond d’une arrière-boutique sombre de la rue du Cherche-Midi, coupant l’un après l’autre au même pain, du pain dont ils achètent une provision quinze jours d’avance, pour qu’il soit plus dur et qu’on n’en puisse manger beaucoup. Chaîne peint en maçon, gâchant les couleurs, réussissant à rendre boueuses les plus claires et les plus vibrantes; mais son triomphe est l’exactitude dans la gaucherie, il a les minuties naïves d’un primitif, le souci du petit détail, où se complaît l’enfance de son être, à peine dégagé de la terre. Sa première œuvre est le poêle de Mahoudeau, un poêle sec et précis, d’un ton lugubre de vase, avec une perspective de guingois [81]. Il expose ensuite au Salon des Refusés un Christ pardonnant à la femme adultère, de sèches figures qui paraissent en bois, d’une charpente osseuse violaçant la peau, et peintes avec de la boue [158]. Il fait pl as tard au Louvre la copie d’un Mantegna, rendu avec une sécheresse d’exactitude extraordinaire [224]. Devant les compliments obligeants de Claude Lantier et de Sandoz, il a dans sa barbe un rire silencieux de gloire, qui lui éclaire la face comme d’un coup de soleil; il a des : « Bien sûr! » qui disent sa foi tranquille et sa vanité.

La commune possession de Mathilde Jabouille amène un refroidissement entre Chaîne et Mahoudeau; les deux hommes Couchent toujours ensemble, mais ils ont cessé de se parler, n’échangeant que les mois indispensables, qu’ils écrivent au fusain sur le mur de l’atelier: « Je vais acheter du tabac, remets du charbon dans le Poêle », ou : « Donne-moi le tabac que tu as fourré dans ta poche » Comme la fortune se fait attendre, Chaîne se lance dans un petit négoce qui doit lui permettre d’achever ses études ; il se, fait envoyer

de l’huile d’olive de son village, puis il bat le pavé, Il place le produit dans les riches familles provençales qui ont des positions à Paris ; mais, trop rustre, il finit par se faire mettre à la porte de partout, et une jatte d’huile lui reste, une jatte dont personne ne veut, qu’on laisse dans le coin de la boutique, et où les deux hommes trempent leur pain, les jours où ils en ont [224].

Plus tard, le désespoir de ne pas vivre de ses pinceaux jette Chaîne dans une aventure commerciale; il fait les foires de la banlieue de Paris, tenant un jeu de tournevire pour le compte, d’une veuve [292]. Ou le retrouve longtemps après à la porte de Clignancourt, où se tient une fête perpétuelle ; il trône au milieu d’une vaste et riche baraque, très ornée, où sont pendus comme en un tabernacle, ses trois chefs-d’œuvre d’autrefois: le poêle minutieux, le Christ de pain d’épice, le Mantegna qui a l’air d’une image d’Épinal décolorée, et le soir, aux lumières, quand les tournevires ronflent et rayonnent comme des astres, rien n’est plus beau que ces peintures, dans la pourpre saignaitte des étoffes. Chaîne est là, Lès calme, sans orgueil ni honte de sa boutique, n’ayant pas vieilli, niais malheureux au fond, car il n’a jamais mis soit talent en doute, sa conviction est que, s’il avait eu de l’argent, il serait arrivé comme les autres. Il a lâché la partie, parce qu’elle ne nourrit pas son homme, mais Il reste absolument persuadé que, pour faire les chefs-d’œuvre du Louvre, on n’a besoin que de temps [419]. (L’Œuvre.)

Chambouvard. — Sculpteur célèbre. Un gros homme obèse, campé fortement sur ses grosses jambes. La tète dans les épaules, il a une face épaisse et belle d’idole hindoue. On le dit fils d’un vétérinaire des environs d’Amiens ; à quarante-cinq ans, il est déjà l’auteur de vingt chefs-d’œuvre de statues simples et vivantes, à la chair bien moderne, pétrie par un ouvrier de génie, sans raffinement; et cela au hasard de la production, donnant ses œuvres comme un champ donne son herbe, boit un jour, mauvais le lendemain, dans l’ignorance absolue de ce qu’il crée ; il pousse le manque de sens critique jusqu’à ne pas faire de distinction entre les fils les plus glorieux de ses mains et les détestables magots qu’il lui arrive de lâcher parfois. Saris fièvre nerveuse, saris un doute, toujours solide et convaincu, il a un orgueil de dieu.

Au Salon, où Il expose un admirable Semeur, il traîne une queue de jeunes disciples béants, s’ébahit devant son œuvre, semble la voir pour l’a première fois et répète à dix reprises, en dodelinant de la tète: « C’est comique… c’est comique… », ne trouvant rien d’autre, pour dire l’adoration où il est de lui-même [170]. Une autre année, il expose une Moissonneuse exécrable, une figure stupidement ratée, et il n’en est pas moins rayonnant, certain d’un chef-d’œuvre de plus, promenant son infaillibilité sereine, au milieu de la foule, qu’il n’entend pas rire [389]. (L’Œuvre.)

Champion. — Patron chapelier à Montrouge. Auguste Lantier prétend l’avoir lâché parce qu’ils n’ont pas les mêmes idées politiques [302]. (L’Assommoir.)

Chanteau père. — Venu du Midi. A battu la France comme simple ouvrier charpentier. Son chef-d’œuvre, un pont en charpente, orne la salle à manger des Chanteau à Bonneville [ 131. A créé jadis, à Caen, un. commerce de bois du Nord, qu’il menait avec les coups d’audace d’une tète aventureuse, et il est mort laissant la maison fort compromise [21]. (La Joie de vivre.)

Chanteau. — Né à Caen. Cousin de Quenu. Marié a Eugénie de La Vignière, institutrice rencontrée dans une famille amie. Il a un fils unique, Lazare. Chanteau a hérité du commerce de son père; niais, étant, peu actif, d’une prudence routinière, il vivote honnêtement sur des bénéfices certains et oppose l’inertie de sa nature aux volontés dominatrices de sa femme [11]. Il a souffert de la goutte dès l’âge de quarante ans. A cinquante ans, il cède pour cent mille francs sa maison au sieur Davoine, reçoit la moitié de, cette somme, reste commanditaire pour l’autre moitié et se retire à Bonneville ; il y avait acheté une maison deux ans auparavant, occasion pêchée dans la débâcle d’un débiteur insolvable [22]. Chanteau devient maire du pays [291. Il est court et ventru, teint coloré, gros yeux bleus à fleur de tète, cheveux blancs coupés ras. A la mort du cousin Quenu, il est désigné comme tuteur de la petite Pauline, qui possède cent cinquante mille francs, et dont la fortune va peu à peu s’émietter et s’engloutir, grâce aux manœuvres de madame Chanteau et aux folles entreprises de Lazare. Les ressources du ménage, déjà limitées, ont été fort diminuées par la déconfiture de Davoine [98]. Le goutteux Chanteau, cloué dans son fauteuil, assiste indifférent à la ruine de sa pupille. Gourmand, ne sachant résister à une tentation de table, il paye ses excès par de terribles crises qui révolutionnent la maison et ne trouvent de soulagement que dans les tendres soins de Pauline. L’égoïsme, la jouissance de vivre pour soi se développent chez Chanteau en même temps que son mal. Si les choses vont pour son plaisir, il les trouve bonnes [300]. Nul événement n’a de prise sur lui. Lorsque sa femme meurt et qu’on le prépare doucement à la terrible nouvelle, il se borne à se plaindre de ses jambes [240]. Dans le drame qui l’entoure, il chante la gaudriole [263]. Tombé enfin à l’ankylose complète, lamentable reste d’homme sans pieds ni mains, qu’il faut coucher et faire manger comme un enfant, il se révolte à la pensée d’un dîner compromis, d’une joie perdue [447]. Le suicide de la vieille servante Véronique lui inspire seulement ce cri exaspéré « Faut-il être bête pour se tuer ! » (La Joie de -vivre.)

Jusqu’à la fin de sa vie, il est soigné par Pauline [129]. (Le Docteur Pascal.)

Chanteau (Madame). — Voir LA VIGNIERE (Eugénie de).

Chanteau (Lazare). — Né à Caen. Fils des Chanteau. Filleul du banquier Thibaudier, dont il épouse la fille. Père du petit Paul. Avait quatorze ans lorsque ses parents ont quitté Caen pour se retirer à Bonneville. Est resté au lycée, qu’il quitte à dix-huit ans, avec son baccalauréat. Grand garçon, à .front large, aux yeux très clairs, avec un fin duvet de barbe châtaine, qui encadre sa face longue. Lors de l’arrivée de sa cousine Pauline Quenu à Bonneville, il bat les falaises depuis huit mois, ne se décidant pas à choisir une occupation [7].

C’est un névrosé plein de J’ennui sceptique de toute sa génération [345], incapable de s’intéresser à la vie, se, laissant, au gré des suggestions extérieures, emballer tour à tour sur la musique, la médecine, la chimie, l’industrie et la littérature.

Plein d’enthousiasmes soudains, il se dégoûte devant les réalisations; il voit trop grand mais il a, en même temps, le mépris de l’argent [23]; hanté d’une peur maladive de la mort, il est pourtant brave devant les agonies et se jette résolument dans un incendie pour sauver l’enfant d’une paysanne [360] ; il a soigné avec le plus complet dévouement Pauline en danger de mort [154] et il est incapable de rendre le moindre service a sa mère moribonde, qu’il aime tendrement [214]. Lazare est un malade en qui se heurtent toutes les contradictions. Esprit fort, dégagé de toute croyance, il subit des superstitions ridicules [266]; doué d’une vive intelligence, il est inapte à toute décision, sa volonté est toujours vacillante. Après avoir accepté le mariage avec sa cousine, qu’il aime et qu’il a failli mettre à mal [112], il se laisse circonvenir par Louise Thibaudier, accepte passivement tous les sacrifices de Pauline, n’ayant que de courtes révoltes, puis, finalement, épouse Louise, qu’il s’est mis à désirer follement. Dix-huit mois après, encore une fois désillusionné, il est repris d’une passion charnelle pour sa cousine [361]. Au fond, derrière ses emballements de jeunesse et la névrose dont il souffre, on retrouve, très vif, le profond égoïsme des parents.

Lazare a gaspillé l’argent de Pauline dans des tentatives industrielles, dans la construction d’une estacade qui doit sauver Bonneville des fureurs de la mer ; marié, il abandonne vite un emploi que son beau-père lui avait trouvé dans une compagnie d’assurances, et c’est alors la dot de Louise qu’il commence à éparpiller en des entreprises téméraires. Tout ayant échoué, il revient à Bonneville, plus impuissant que jamais, énervé par les récriminations de sa femme, en proie à une effroyable peur de mourir, qui lui enlève un peu plus chaque jour le goût et la force de vivre [343]. (La Joie de vivre.)

Devenu veuf, il laisse son fils à Pauline Quenu et part en Amérique pour faire fortune [129]. (Le Docteur Pascal.)

Chanteau (Madame). — Voir LA VIGNIÈRE (Louise).

Chanteau (Paul). — Fils de Lazare et de Louise. Né à Bonneville, après huit mois seulement de gestation [405]. Laissé pour mort après un terrible accouchement, il a été ramené à la vie par Pauline Quenu [408]. Il est son filleul [415]. D’abord chétif, avant poussé comme à regret, I l tente vaillamment ses premiers pas à dix-huit mois et Pauline se charge d’en faire un homme [445]. Sacrifiant les deux tiers de ce qu’elle possédait encore, elle a pris sur la tête de l’enfant une assurance qui donnera à Paul cent mille francs le jour de sa majorité [420]. (La Joie de vivre.)

Chantecaille. — Un pion du collège de Plassans, si bon enfant qu’il laissé fumer en promenade [37]. (L’Œuvre.)

Chantegreil. — Père de Marie Chantegreil, dite Miette. C’était un braconnier de Chavanoz, il a été envoyé au bagne en 1846 pour avoir tué d’un coup de feu un gendarme, alors que ce dernier te tenait lui-même au bout de son fusil. Il subit sa peine à Toulon [207]. (La Fortune des Rougon.)

Chantegreil (Marie).— Voir MIETTE.

Chantegreil (Eulalie). — Sœur de Chantegreil, tante de Miette. Mariée à Rébufat, méger du Jas-Meffren. Mère de Justin Rébufat. C’est une grande diablesse noire et volontaire, vigoureuse, sobre et économe. Malgré les grognements de Rébufat, elle recueille Miette, âgée de neuf ans, et l’aime comme sa propre fille. Elle meurt subitement deux ans après [209]. (La Fortune des Rougon.)

Chantemesse (La Mère). — Vendeuse au tas [13]. Digne femme, très bourrue, dépassant soixante-dix ans, veuve d’un ancien cocher de fiacre [202], adore les enfants, a perdu trois garçons au berceau [196]. Elle habite depuis quarante-trois ans un grand galetas délabré de la rue au Lard [198]. Gagne encore ses quarante sous par jour Vers la soixantaine, elle avait fait la trouvaille de la petite Cadine, prés du marché des Innocents, puis elle avait recueilli Marjolin et les avait élevés ensemble. Plus tard, furieuse des polissonneries des deux enfant [220], elle reste impuissante à les corriger. (Le Ventre de Paris.)

Chantereau (Madame).— Femme d’un maître de forges, un peu cousine des Fougeray [80]. C’est une amie des Muffat, un legs de la belle-maman; avec madame Du Joncquoy et madame Hugon, elle donne au salon de la comtesse Sabine un aspect collet-monté. Elle sera plus tard choquée des nouvelles mœurs de ta maison [445]. Son mari possède une usine en Alsace, on y craint la guerre et madame Chantereau fait beaucoup rire ses amies, lorsqu’elle assure que M. de Bismarck nous fera la guerre et nous battra [95]. (Nana.)

Charbonnel. — Ancien marchand d’huile à Plassans. Il dispute aux sœurs de la Sainte-Famille cinq cent mille francs, provenant de la succession d’un petit-cousin, le sieur Chevassu. Protégés par madame Félicité Rougon. la mère du ministre, les Charbonnel sont venus à Paris et se sont installés à l’hôtel du Périgord, rue Jacob, pour suivre de près l’affaire, qui est au Conseil d’Etat. Ils font ainsi partie de la bande d’Eugène Rougon, attentifs aux changements politiques, poussant leur protecteur à reprendre le pouvoir et, lorsqu’ils ont enfin gagné leur procès, criant au pillage, excitant le ministre à ordonner une visite domiciliaire dans le couvent des sœurs [401]. Pris de peur devant les conséquences de cet acte qu’ils ont provoqué, ils s’empressent de le désavouer hautement [405]. (Son Excellence Eugène Rougon.)

Chartonnel (Madame). — A accompagné son mari à Paris, pour suivre l’affaire Chevassu. Elle étale au ministère, à la Chambre, un châle jaune extravagant. Sa fureur devant la prétendue captation est telle que, quoique dévote, elle va jusqu’à conter une histoire abominable : le petit-cousin Chevassu sciait mort de peur, après avoir écrit son testament sous la dictée d’un prêtre, qui lui avait montré le diable, au pied de son lit [239] (Son Excellence Eugène Rougon.)

Charbotel (Isidore). — Artiste peintre. Son nom se trouve sur les licites du vieux Vabre[238]. (Pot-Bouille.)

Chardon (Abbé). — Candidat du grand vicaire Fenil à la cure de Saint-Saturnin, cathédrale de Plassans [152]. (La Conquête de Plassans.)

Chardon (Madame). — Protégée de madame Mélanie Correur. L’Etat se refusait à accepter des fournitures soumissionnées par elle le ministre Rougon arrange l’affaire [280]. (Son Excellence Eugène Rougon.)

Charles. — Garçon du café Riche. Air digne. C’est lui qui sert le souper de Maxime Saccard et de Renée, dans le salon blanc [162]. (La Curée.)

Charles. — Garçon du lavoir de la rue Neuve de la Goutte-d’Or [20]. Grand gaillard à cou énorme [33] Refuse de séparer les laveuses qui se battent. (L’Assommoir.)

Charles. — Boucher de la rue Polonceau. Fournisseur des Coupeau [203]. (L’Assommoir.)

Charles. — Cocher de Nana. C’est un grand gaillard qui sort de chez te duc de Corbreuse [343]. Il quitte le service de Nana, après une affreuse scène où il l’a traitée de salope [479]. (Nana.)

Charles. — Cousin du petit soldat Jules, de Plogoff [431]. (Germinal.)

Charles. — Cocher de Saccard, à qui il a été recommandé par sa bonne amie Clarisse, femme de chambre de la baronne Sandorff. Grand, beau garçon, avec la face et le cou rasés, il se dandine de l’air assuré et fat des hommes que les femmes paient. Surpris volant sur l’avoine, il est congédié par Saccard et dévoile à madame Caroline les rendez-vous du financier avec la baronne [227]. (L’Argent.)

Charles (Monsieur et Madame). — Voir BADEUIL.

Charpier. — Marchand de grains à Vendôme. Prête à la petite semaine. Il a fait faillite, ses papiers ont été rachetés par Fayeux pour le compte de Busch et celui-ci trouve, dans l’amas des dossiers, une reconnaissance signée par le comte de Beauvilliers en faveur de Léonie Cron [29]. (L’Argent).

Charrier. — Gros entrepreneur, associé de Mignon. Venus tous deux de Langres. Ce sont de rusés compères, à cerveau étroit, à conceptions prudentes; mais, doués d’une invincible ténacité, ils savent tirer sagement une énorme fortune des affaires lancées par l’aventureux Saccard [126]. (La Curée.)

Charvet. — Professeur libre. Grand garçon osseux, soigneusement rasé, nez maigre, lèvres minces, cheveux longs et arrondis, les revers de sa redingote râpée extrêmement rabattus. Fait partie du groupe Gavard. Est hébertiste, joue au conventionnel avec un flot de paroles aigres, une érudition si étrangement hautaine qu’il bat d’ordinaire ses adversaires [131]. Oracle du groupe jusqu’à l’arrivée de Florent. Il habite rue Vavin, derrière le Luxembourg, et vit maritalement avec Clémence, sur des bases débattues, ne réglant que ses propres dépenses, vexé que sa maîtresse gagne plus que lui [133] et, plus tard, la blaguant d’avoir perdu sa place [299]. Par jalousie sourde, il devient l’adversaire systématique de Florent [176], raille l’exil, nie Cayenne, est pris d’une rage froide contre son rival et, quand le complot s’affirme, rompt brusquement [300]. Toujours accompagné de sa maîtresse, il va dés lors fréquenter une brasserie de la rue Serpente, où il trouve un auditoire attentif de très jeunes gens [301]. (Le Ventre de Paris.)

Chassagne (Docteur). — Directeur de l’Asile des Moulineaux [176]. On lui a confié à deux reprises Saturnin Josserand. (Pot-Bouille.)

Chaumette. — Conseiller à la cour de Rouen; à cause de son fils, il est comblé d’invitations et de prévenances par madame Bonnehon [114]. Lors du procès Roubaud, le conseiller est assesseur aux Assises [400]. (La Bête humaine.)

Chaumette fils. — Substitut à Rouen. Il est la dernière affection de la belle madame Bonnehon, qui travaille à son avancement [114] et le fait môme protéger plus tard par sa rivale, madame Leboucq [400]. (La Bête humaine.)

Chavaille (Rosalie) (1). — Mère de Victor Saccard. Petite-cousine de madame Méchain. Habitait à seize ans, avec sa mère, un petit logement au sixième, dans une maison de la rue de la Harpe. Consentante, elle a été culbutée par un voisin, sur les marches de l’escalier, et le monsieur s’est montré si amoureux que la pauvre Rosalie, renversée d’une main trop prompte contre l’angle d’une marche, a eu l’épaule démise. La mère a exigé, pour étouffer l’affaire, une somme de six cents francs, répartie en douze billets, cinquante francs par mois, que l’homme, disparu peu après, a signé Sicardot, du nom. de sa femme. Mal soignée, les muscles du bras rétractés, devenue infirme, Rosalie est accouchée d’un garçon. Elle a perdu sa mère, est tombée à une sale vie, à une misère noire, puis, ayant traîné les rues jusqu’à vingt-six ans, échouée à la cité de Naples chez sa petite-cousine, elle a fini par mourir des suites d’une bordée plus aventureuse que les autres. La Méchain a hérité du petit Victor et des douze billets impayés [31]. (L’Argent )

(l) Rosalie Chavaille, ouvrière; compte des phtisiques et des épileptiques dans son ascendance ; maîtresse d’Aristide Rougon, dit Saccard. (Arbre généalogique des Rougon-Macquart.)

Chaval. — Haveur au Voreux. Est venu il y a six mois du Pas-de-Calais et habite Montsou, à l’estaminet Piquette. C’est un grand maigre de vingt-cinq ans, osseux, aux traits forts, avec un nez en bec d’aigle, des moustaches et une barbiche rouges. Dés la première rencontre, une haine d’instinct a flambé entre lui et Étienne Lantier [39]. Pour empêcher celui-ci d’être l’amant de Catherine Maheu, il a voulu posséder cette fille non encore nubile et il ne tient à la garder, elle ne lui est chère que par hostilité jalouse contre l’autre. Quand Etienne devient l’un des maîtres du coron, Chaval est mordu d’envie ; pendant, la grève, la rage de triompher l’amène à surenchérir en demandant du sang, mais, surtout vaniteux, il abandonne la cause des camarades, il sent une chaleur d’orgueil lui monter à la Face, lorsque Deneulin lui fait entrevoir un avancement rapide [338]. Sa lâcheté le perdrait, si Catherine ne lui épargnait la mort, en se jetant au-devant des grévistes furieux [381]. Il se venge d’ailleurs en dénonçant l’émeute aux gendarmes et en acceptant de diriger une équipe de Borains, appelés de Belgique par la Compagnie des mines de Montsou [454] Battu par son rival sous les yeux de Catherine, il a chassé celle-ci, mais il restera entre eux jusqu’au bout. Une dernière bataille le jette contre Etienne au fond de la mine, dans un coin de galerie où tous trois sont cernés par l’inondation; il est tué dans la lutte, on jette son cadavre au puits, mais la crue le pousse peu à peu vers les douloureux amants, il revient entêté dans sa jalousie, empoisonnant l’air, s’acharnant jusque dans la mort à les empêcher d’être ensemble [572]. (Germinal.)

Chave (capitaine). — Officier en retraite. Frère de madame Maugeudre. Figure apoplectique, au cou raidi par l’usage du col de crin, un de ces types de petits joueurs au comptant qu’on est certain de rencontrer tous les jours, d’une heure à trois, autour de la Bourse, se livrant à un jeu de gagne-petit, emportant chaque fois un gain de quinze à vingt francs. Il ne joue point par goût, mais la pension du gouvernement le laisserait crever de faim [19] et, de plus, il a des vices. Le capitaine Chave habite, rue Nollet, une seule pièce au fond d’un jardin, où se glissent des jupes, et les petits gains de Bourse passent en bonbons et en gâteaux pour ses bonnes amies [202]. Pendant toute la période où la Banque Universelle affolait Paris, faisant et défaisant en deux heures des fortunes géantes, l’or pleuvant à pleins seaux parmi les coups de foudre, Chave a échappé à la fièvre générale. Alors que son beau-frère Maugendre courait à la ruine, il n’a pas une seule fois cessé de jouer un maigre jeu, satisfait d’emporter son petit bénéfice chaque soir, ainsi qu’un bon employé qui a bravement rempli sa journée [387]. Et, au jour de la débâcle, avec une cruauté de joueur intime, il se réjouit de voir les gros spéculateurs se casser les reins [367]. (L’Argent.)

Chavignat. — Employé au ministère de l’instruction publique. Un gros dont la femme est laide. Au dire des Pichon, le ménage Chavignat a beaucoup trop d’enfants [144]. (Pot-Bouille.)

Chédeville (de). — Député d’Eure-et-Loir sous l’Empire. C’est un vieux beau, la fleur du règne de Louis-Philippe. Grand, élégant encore, le buste sanglé et les cheveux teints, il se range, malgré ses yeux de braise au passage du dernier des jupons [l 42]. S’est ruiné avec les femmes et ne possède plus que la ferme de la Chamade, près d’Orgères, où il ne met les pieds qu’en temps d’élections. Il a gardé au fond du cœur des tendresses orléanistes, mais on le dit ami de l’empereur et cela suffit pour assurer son succès. Dans ses tournées électorales, il sourit, fait le débonnaire, promet toujours [159]. Mais, après une première législature, sa carrière politique est arrêtée; il a déplu en haut lieu, on croit qu’il a scandalisé les Tuileries par une histoire gaillarde, la jeune femme d’un huissier de la Chambre, folle de lui malgré son âge. Il cesse d’être candidat officiel et, malgré ses opinions protectionnistes, se fait battre par le libre-échangiste Rochefontaine, candidat du préfet, les campagnards tenant avant tout à rester du côté du gouvernement [360]. (La Terre.)

Chermette (Famille de). — Amis des Deberle. Une fille, Valentine, toujours costumée en Espagnole dans les bais d’enfants; est mariée à seize ans avec un amant de sa mère, un grand blond avec qui celle-ci était depuis dix-huit mois [250]. (Une Page d’Amour.)

Chevassu. — Avoué à Faverolles. Est mort en laissant une fortune de cinq cent mille francs aux sœurs de la Sainte-Famille. Son testament est attaqué par des petits-cousins, les Charbonnel, devenus les seuls parents de Chevassu par le décès récent de son frère [54]. (Son Excellence Eugène Rougon.)

Chezelles (Madame Léonide de). — Une amie de couvent de la comtesse Muffat, plus jeune que celle-ci de cinq ans [69]. Mince et hardie comme un garçon [80]. Femme d’un magistrat à l’air grave, elle le trompe sans se cacher, mais on lui pardonne, on la reçoit quand même, parce que, dit-on, elle est folle 169]. Des aventures hardies lui sont attribuées. Amoureuse d’un ténor, elle l’a fait venir à Montauban; elle habitait le château de Beaurecueil, deux lieues plus loin, et elle arrivait tous les jours dans une calèche attelée de deux chevaux, pour le voir au Lion d’Or, où il était descendu; la voiture attendait à la porte. Léonide restait des heures, pendant que le monde se rassemblait et regardait les chevaux [81]. (Nana.)

Chibray (Comte de). — Aide de camp de l’empereur, bel homme vaniteux. A été le troisième amant de Renée Saccard et l’a quittée avec scandale, aux yeux de tout Paris; pour se mettre avec la duchesse de Sternich [115]. (La Curée.)

Chouard (Marquis de). — Père de la comtesse Sabine Muffat de Beuville. Conseiller d’Etat. Il a une haute taille de vieillard, une face molle et blanche, des épaules maigres sur lesquelles tombe une couronne de rares cheveux blancs [59]. Quoique rallié à l’Empire, le marquis a conservé des relations dans le parti légitimiste; il est connu pour sa haute piété, affecte d’avoir des mœurs, car les hautes classes doivent donner l’exemple, et s’indigne de l’inconduite de son gendre. Mais d’étranges histoires courent sur son compte. Autrefois, il vivait séparé de la marquise; dès que celle-ci a été morte, il a marié sa fille, qui le gênait [75]. C’est un vieux à passions. Sous l’excitation de la femme, ses yeux troubles deviennent deux yeux de chat, phosphorescents, pailletés d’or; son nez, très gros dans sa face rasée, semble la boursouflure d’un mal blanc, sa lèvre inférieure pend [90]. Chez Satin, il renifle dans tous les endroits pas propres, jusque dans les pantoufles [296]. Il achète à Gaga sa fille Amélie pour trente mille francs [402]. Enfin, après une nuit chez Nana, dans un lit magnifique où fleurissent les roses et se penchent les amours, le marquis de Chouard est soudain frappé d’imbécillité, il tombe en enfance, jeté là comme une loque humaine, gâtée et dissoute par soixante ans de débauche [494]. (Nana.)

Chouard (Sabine de). — Fille du marquis. Mariée à dix-sept ans avec le comte Muffat de Beuville, elle a mené une existence cloîtrée entre un mari pieux et une belle-mère autoritaire. Les uns la disent d’une froideur de dévote, les autres la plaignent, se rappelant ses beaux rires, ses grands yeux de flamme, avant qu’on l’enfermât au fond du vieil hôtel de la rue Miromesnil. Elle jouit d’une réputation parfaite; Fauchery n’a que le vague souvenir d’une confidence reçue d’un officier de ses amis, mort récemment au Mexique, une de ces confidences brutales que les hommes les plus discrets laissent échapper à de certains moments [73]. Sabine n’a rien mis d’elle dans l’ancienne demeure, noire d’humidité; c’est Muffat qui s’impose, qui domine, avec son éducation religieuse, ses pénitences et ses jeûnes [76]. Toutefois, une grande chaise de soie rouge capitonnée, introduite après la mort de la maman Muffat, détonne dans ce milieu enfumé; c’est le commencement d’un désir et d’une jouissance [79].

A trente-quatre ans, la comtesse a un fin profil de brune potelée où la bouche seule, un peu épaisse, met une sorte de sensualité impérieuse; elle ne paraît pas son âge, elle semble être la sœur aînée de sa fille Estelle, on lui donnerait au plus vingt-huit ans; ses yeux noirs gardent une flamme de jeunesse, que de longues paupières noient d’une ombre bleue. A la joue gauche, elle a un signe près de la bouche, absolument le même signe que Nana, avec de petits poils frisés [75]. Dans son salon collet monté, refroidi par la continuelle présence d’un saint homme, Théophile Venot, elle semble une chatte qui dort, les griffes rentrées, les pattes agitées d’un frisson nerveux [92]. Elle s’éveille soudain, lorsque le comte Muffat, pris par Nana, se dérangé et néglige le foyer. Sabine accepte alors les assiduités de Fauchery, elle devient sa maîtresse, puis c’est un gâchis de dépenses extraordinaires. La comtesse a brusquement montré un goût de luxe, un appétit de jouissances mondaines qui achèvent de compromettre la fortune des Muffat. Ce sont des caprices ruineux, tout un nouveau train de maison, cinq cent mille francs gaspillés à transformer le vieil hôtel, des toilettes excessives, des sommes considérables disparues, fondues, données peut-être sans que Sabine se soucie d’en rendre compte. Après Fauchery, elle s’étourdit à d’autres amours, dans le coup de fièvre inquiet de la quarantaine [476]. Enfin, c’est le détraquement suprême, elle s’enfuit avec un chef de rayon d’un grand magasin de nouveautés, puis, après des aventures, elle revient, pardonnée par le comte qui a perdu toute sa dignité d’homme. La comtesse mange à présent les restes dédaignés de Nana. Gâtée par la promiscuité de cette fille, poussée à tout, elle est devenue l’effondrement final, fa moisissure même du foyer [497]. (Nana.)

Chouteau (Les). — Vieillards de quatre-vingt-dix ans, l’homme et la femme. Habitent Beaumont, où ils occupent une cave de la rue Magloire. Ils sont secourus par Angélique Marie et par Félicien de Hautecœur [119]. (Le Rêve.)

Chouteau. — Soldat au 106º de ligne (colonel de Vineuil). Appartient à l’escouade du caporal Jean Macquart. C’est un peintre en bâtiments de Montmartre, furieux d’avoir été rappelé pour la guerre, son temps fini. Bel homme et révolutionnaire, flâneur et noceur, ayant mal digéré les bouts de discours entendus dans les réunions publiques, mêlant des âneries révoltantes aux grands principes d’égalité et de liberté, il endoctrine les camarades [461, les pousse à l’indiscipline, au mépris des chefs, et serait le maître indiscuté, si la crânerie de Jean ne le rendait sourdement respectueux [76].

Ce fainéant qui aime ses aises, donne le signal de l’abandon du sac et du fusil [30]; pendant la marche, il jette les vivres de l’escouade par paresse de les porter [86]; sur le plateau de Floing, devant l’ennemi, il déclare que lorsqu’on ne mange pas, on ne se bat pas [228]. Le sergent Sapin ayant été grièvement blessé, il s’offre avec Loubet pour le transportera l’ambulance volante et les deux hommes disparaissent du champ de bataille; on ne les revoit que le soir, dans une auberge du Fond de Givonne, ivres et goguenards [364]. Prisonnier à Iges, Chouleau trouve agréable de ne plus obéir à personne, de flâner à sa fantaisie; dans la disette dont souffre le camp, il est d’un égoïsme sournois, volant ce qu’il peut, ne partageant pas avec ses camarades, et les poussant aux pires excès; c’est lui qui passe un couteau à cette pauvre brute de Lapoulle, pour saigner Pache, coupable d’avoir dissimulé quelques provisions [460]. Emmené en captivité, il s’évade de la colonne, près de Mouzon, et, sur le point d’être pris, se débarrasse des Prussiens qui la poursuivent, en leur jetant traîtreusement son camarade Loubet, entraîné par lui dans la bagarre [472].

Pendant la Commune, attaché à l’état-major d’un général fédéré qui ne se battait pas, Chouteau s’est installé an palais de la Légion d’honneur; il y vil dans une bombance continuelle, s’allongeant avec ses boîtes au milieu des grands lits somptueux, cassant les glaces à coups de revolver, pour rire, pendant que, chaque malin, sa maîtresse déménage, en voiture de gala, des objets volés. Le 23 mai, il préside à la destruction du palais et à l’incendie des maisons de la rue de Lille [597]. Et pendant la sanglante répression, on le voit, place du Théâtre-Français, derrière les soldats du Versailles, sous l’honnête blouse blanche d’un ouvrier, assistant au massacre, avec des gestes approbateurs [628]. (La Débâcle.)

Chuchu (Mademoiselle). — Figurante des Variétés. Une maigre sauterelle du pavé parisien, la fille ensauvée d’une concierge de Montmartre, amusante avec sa figure de papier mâché, où luisent de grands yeux bruns admirables. Sa liaison avec l’employé Flory a commencé par quelques parties fines à bon marché [85], puis on s’est mis en ménage, rue Condorcet et Chuchu est devenue capricieuse et dévorante [335], poussant Flory a la dépense, l’acculant au jeu de Bourse. (L’Argent.)

Clarisse. — Femme de chambre de la baronne Sandorff. Chargée du petit rez-de-chaussée de la rue Caumartin. C’est une maigre fille blonde qui a épousé la rancune de son bon ami Charles, le cocher renvoyé par Saccard, et qui dénonce à Delcambre les infidélités de sa maîtresse [228]. Elle lui fait constater, moyennant salaire de deux cents francs, un flagrant délit anormal entre Saccard et la baronne [231]. (L’Argent.)

Clémence. — Grande fille brune, trente ans, gros yeux noirs, l’air très posé. Tablettière à la criée aux poissons, où elle écrit les doigts allongés, en demoiselle qui a reçu de l’instruction [121]. Vit maritalement avec Charvet, chacun réglant ses propres dépenses. Vient tous les soirs chez Lebigre, aux réunions du groupe Gavard, où elle se fabrique des grogs pendant que son amant moins fortuné prend une chope. A une façon professorale d’écouler parler politique; au fond, se croit beaucoup plus forte que tous ces messieurs. Elle lance parfois une phrase, conciliant d’un mot, rivant son clou à Charvet lui-même. N’a de respect que pour le silencieux Robine [178]. Elle est congédiée par Manoury, le facteur aux Halles, parce qu’elle s’est amusée à mettre sur les tableaux de vente, en face des limandes, des raies et des maquereaux adjugés, les noms des dames et des messieurs de la Cour [298]; elle vit alors d’une leçon de français, doit renoncer aux grogs et se bornera une simple chope qu’elle boit en toute philosophie [299]. Rompt en même temps que Charvet avec le groupe Gavard et va fréquenter, en compagnie de son amant, une brasserie de la rue Serpente [301]. (Le Ventre de Paris.)

Clémence (Mademoiselle). — Ouvrière repasseuse, voisine des Lorilleux. Travaille chez Gervaise. C’est une belle fille à gorge puissante, qui adore les animaux et va avec tous les hommes [71]. Pas une ouvrière ne repasse les chemises d’homme aussi bien qu’elle. Les lendemains de noce, elle attriste toujours les gens par ses idées de mort [232]. (L’Assommoir.)

Clémence. — Femme de chambre de madame Duveyrier, qui tient beaucoup à elle parce qu’elle habille très bien. Fille très propre, très vive, membres menus, bouche pincée. Clémence est la maîtresse du valet de chambre Hippolyte [112]. (Pot-Bouille.)

Clorinde. — Fille de la comtesse Balbi. Née en 1835 à Florence. Elle habite avec sa mère un petit hôtel de l’avenue des Champs-Elysées, à deux pas de la rue Marbeuf. C’est une grande fille d’une admirable beauté, s’habillant étrangement de robes mal faites [7]. Elle a un mélange de mœurs libres et de dévotion outrée [91], et vit dans un incroyable gâchis d’argent, avec des accès brusques d’avarice honteuse [174]. Très intelligente, très séduisante, très ambitieuse, elle aide aux intrigues internationales de sa mère, vivant dans le monde politique l’oreille tendue, se montrant très curieuse de la vie des autres, usant de sa beauté pour pénétrer partout, achetant des amitiés par le don de ses faveurs.

Malgré l’étrangeté de sa vie, elle se pousse hardiment vers an grand mariage capable de satisfaire son orgueil ; elle jette son dévolu sur le ministre Rougon. Mais c’est en vain qu’elle l’enveloppe d’une séduction savante et qu’elle l’excite jusqu’au coup de sang [95]. Rougon se dérobe, faisant à cette dangereuse aventurière l’offense de la considérer comme inférieure à lui et de la marier avec son ami Delestang, un imbécile solennel. Clorinde rêvera dès lors une vengeance digne d’elle et ses efforts vont tendre à l’écroulement de Rougon. Comme celui-ci n’est plus aux affaires, elle emploie tout son génie de l’intrigue à lui faire rendre le pouvoir, puis, quand il est à l’apogée de sa puissance, elle travaille à le culbuter, ameutant Paris contre lui, détachant du grand homme les familiers qui le soutiennent, faisant la conquête de l’impératrice [338], allumant l’empereur dont elle devient la maîtresse, provoquant enfin le brusque renvoi du ministre et raffinant sa vengeance jusqu’à obtenir pour l’incapable Delestang, son mari, le portefeuille enlevé à Rougon.

Elle continue ses hautes intrigues, fait vigoureusement le jeu de Cavour en vue d’une alliance contre l’Autriche [370] et contribue à préparer la guerre d’Italie qui modifiera la politique intérieure de l’Empire et, conséquence imprévue, ramènera triomphalement Rougon au pouvoir, après une éclipse de trois ans. La belle Clorinde s’inclinera alors devant l’incontestable force de ce Rougon qu’elle avait cru abattre [462]. (Son Excellence Eugène Rougon.)

Clou. — Conseiller municipal et maréchal ferrant à Rognes. Grand, sec et noir [154]. Il joue du trombone aux offices chantés. (La Terre.)

Cœur (Germaine). — superbe fille de vingt-cinq ans, un peu indolente et molle, dans l’opulence de sa gorge. A toujours été avec des boursiers, et toujours au mois, ce qui est commode pour des hommes très occupés, la tête embarrassée de chiffres, payant l’amour comme le reste, sans trouver le temps d’une vraie passion. Elle habite un petit appartement de la rue de la Michodière, agitée d’un souci unique, celui d’éviter des rencontres entre les messieurs qui peuvent se connaître [85]. Un des meilleurs amis de Germaine Cœur est Gustave Sédille, qui finit par s’emballer sur elle et par l’enlever à l’agent de change Jacoby [346]. (L’Argent.)

Cognet. — Cantonnier de Rognes. Vieil ivrogne qui rouait sa fille de coups et qu’on voit depuis vingt ans casser des cailloux sur les roules [89]. (La Terre.)

Cognet (Jacqueline), dite La Lognette.—Fille du cantonnier. Est entrée à la Borderie à l’âge de douze ans, pour laver la vaisselle. Etait si desséchée, si minable, qu’on lui voyait les os du corps, au travers de ses guenilles. Elle s’est vite décrassée, tous les valets l’ont culbutée sur la paille, depuis le père Mathias, un vieux bossu, jusqu’au petit porcher Guillaume ; Buteau, Jean Macquart, tous l’ont eue. Mais elle a su faire sa fortune en résistant au maître, Alexandre Hourdequin, en le laissant désirer ses faveurs pendant six mois. Cette habileté l’a transformée en servante maîtresse, la Goguette a maintenant une bonne qui la sert et, quand le maître devient veuf, elle finit par obtenir d’entrer triomphante dans l’ancien lit de Madame Hourdequin [101].

De petite taille, très brune, l’air effronté et joli, la gorge dure, les membres élastiques et forts des fausses maigres, d’une coquetterie dépensière, se trempant de parfums tout en gardant un fond de malpropreté, elle excite la colère des paysans qui ne savent pas comprendre que cette catin est leur vengeance, la revanche du misérable ouvrier de la glèbe contre le bourgeois enrichi [89]. La Cognette rationne Hourdequin, elle le fouette d’abstinences et le trompe avec un tranquille cynisme, provoquant sa jalousie, l’affolant chaque jour davantage, manœuvrant pour éliminer le fils et se faire avantager sur le testament. Mais un drame soudain anéantit toute son œuvre.

Le vieux berger Soûlas a, par vengeance, dénoncé ses amours avec Tron ; celui-ci, chassé, tue Hourdequin et brûle la ferme, et la Cognette, poursuivie par les flammes, se sauve dans la campagne, sortant de la ferme comme elle y était entrée, avec une chemise sur le cul [510]. (La Terre.)

Coliche (La). — Grande vache rousse et blanche que la petite Françoise Mouche mène au taureau [3]. Beaucoup gâtée depuis dix ans qu’elle est dans la maison, a fini par être une personne de la famille. Les Buteau se réfugient prés d’elle, l’hiver; ils n’ont pas d’autre chauffage que l’exhalaison chaude de ses flancs. Et elle-même se montre très affectueuse, surtout à l’égard de Françoise. Elle la lèche de sa langue rude, à la faire saigner, elle lui prend, du bout des dents, des morceaux de sa jupe, pour l’attirer et la garder toute à elle [249]. Un jour, la Coliche fait deux veaux, dont le premier, mal placé, est sacrifié par le vétérinaire [258]. (La Terre.)

Colin. — Notaire au Havre. C’est en son étude que les Roubaud se font une donation au dernier vivant, après être entrés en possession de la maison de la Croix-de-Maufras [390]. (La Bête humaine.)

Colomban père. — Un vétérinaire connu de tout Seine-et-Oise, artiste dans sa partie, mais tellement porté sur sa bouche, qu’il mange tout [15]. Il court la gueuse et finit par en mourir [439]. (Au Bonheur des Dames.)

Colomban. — Premier commis du Vieil Elbeuf, originaire de Rambouillet, comme les Hauchecorne, avec qui il a un cousinage éloigné. C’est un gros garçon de vingt-cinq ans, lourd et madré; sa face honnête, à la grande bouche molle, a des yeux de ruse. Depuis dix ans, il trime dans la boutique et a gagné ses grades rondement, passant par les différentes étapes, petit commis, vendeur appointé, admis enfin aux continences et aux plaisirs de la famille, le tout patiemment, dans une vie d’horloge. Baudu l’a élevé à la bonne école du commerce, il sait de quelle façon lente et sûre on arrive aux finesses. aux roueries du métier; fart n’est pas de vendre beaucoup, mais de vendre cher [26].

Dès son entrée dans la maison, Colomban a compté sur son mariage avec Geneviève Baudu; il la regarde comme une affaire excellente et honnête; la certitude de l’avoir l’empêche de la désirer [16]. Et, fixé à son comptoir obscur, il vit en extase devant un rayon du Bonheur des Dames, il brûle d’amour pour Clara Prunaire, ne se doutant même pas de la torture que subit Geneviève. A mesure que le Vieil Elbeuf sombre dans la faillite, la passion de Colomban s’exaspère, muette et sournoise, le détachant chaque jour de sa fiancée, de Baudu, de tout le vieux commerce, où on l’a élevé. Lorsque la malfaisante Clara s’amuse à satisfaire son amour, il ne dit rien aux Baudu, devient le chien obéissant de cette fille et, après une lettre d’adieu, faite avec des phrases soignées d’homme qui se suicide, il disparaît, mêlant son amour d’un calcul avisé, ravi au fond de renoncer à un mariage désastreux [435]. (Au Bonheur des Dames.)

Colombe (Le Père). — Patron de l’Assommoir de la rue des Poissonniers, au coin du boulevard Rochechouart [39]. C’est un gros homme de quarante ans, à gilet à manches, à bras énormes, qui verse tranquillement les tournées d’alcool, du malin jusqu’au soir et, l’heure de la fermeture arrivée, flanque la société dehors, sans se gêner, en un tour de main [448]. (L’Assommoir.)

Combelot (de). — Mari d’Henriette Delestang. Grand bel homme, très blanc de peau, avec une barbe d’un noir d’encre qui lui vaut de vifs succès parmi les femmes. C’est un chambellan que le département des Landes a nommé député, sur un désir formel exprimé par l’empereur [11]. Il n’a pas son pareil pour tourner la manivelle du piano, dans les soirées intimes de Compiègne [211]. (Son Excellence Eugène Rougon.)

Combelot (Madame de). — Voir DELESTANG (Henriette).

Combette. — Pharmacien au Chêne-Populeux. Adjoint au maire. C’est un petit homme sec et remuant. Les réquisitions qu’il reçoit à la mairie, dans la nuit du 27 au 28 août 1870, lui révèlent l’irrémédiable malheur de l’armée de Châlons, condamnée par l’intérêt dynastique à reprendre sa marche vers le gouffre [119]. (La Débâcle.)

Combette (Madame). — Femme du pharmacien [114]. C’est elle qui, le soir du 27 août, offre l’hospitalité au soldat Maurice Levasseur, brisé de fatigue et blessé au pied par la marche. (La Débâcle.)

Combeville (Duchesse de). — Mère de la princesse d’Orviedo [47]. (L’Argent.)

Comborel et Cie. — Maison de transports maritimes pour l’Algérie et la Tunisie. Entre dans le syndicat de la Compagnie générale des Paquebots réunis, fondée par Aristide Saccard [179]. (L’Argent.)

Compan (Abbé). — Curé de Saint-Saturnin. En guerre depuis trente ans avec l’abbé Fenil, vicaire général du diocèse de Plassans. Meurt comme un pestiféré, aucun prêtre, sauf son ami d’enfance Bourrette qui en tremble, n’osant aller le voir et braver ainsi la colère de Fenil [148]. (La Conquête de Plassans.)

Condamin (de). — Conservateur des eaux et forêts, à Plassans. Bel homme de soixante ans, à l’air conservé, fort de teint. Toujours à cheval, ganté, les culottes collantes [45]. Originaire de Bourgogne, il a fait un mariage équivoque et a été nommé à Plassans à la veille de l’Empire ; il laisse toute liberté d’allures à sa femme et se distrait dans de vilaines aventures de fillettes [292]. Son régal est de raconter les histoires scandaleuses de la ville, se moquant du monde, mentant, traversant toutes les intrigues avec un bel air cynique, rappelé parfois à tordre par madame de Condamin, qui se sert habilement de ce dangereux et perfide bavard [293]. (La Conquête de Plassans)

Condamin (Madame Octavie de). — Plus jeune de trente ans que son mari, amenée un jour à Plassans on no sait trop d’où [78], madame de Condamin, très élégante, très aimable, pleine de bonne grâce, est aimée de toute la ville, où elle devient bientôt toute-puissante. Elle a vécu autrefois rue du Helder, d’une existence louche, ayant entre autres amis un puissant personnage qui l’a mariée et qui lui envoie du ruban rouge autant qu’elle en demande [314]. Agent occulte du ministre, marchant d’accord avec Félicité Rougon qui s’efface habilement, elle devient l’alliée la plus active de l’abbé Faujas, partant en campagne chaque matin, agissant sur ses amis et les amis de ses amis, distribuant des places, apprivoisant même les Paloque, apportant à la conquête de la ville tout son charme de jolie femme. (La Conquête de Plassans.)

Conin. — Papetier au coin de la rue Feydeau. Fournit de carnets toute la Bourse, depuis qu’il est aidé par la petite madame Conin. C’est un gros homme qui ne sort jamais de son arriére-boutique, s’occupant de la fabrication [25]. (L’Argent.)

Conin (Madame). — Femme du papetier. Elle sert au comptoir et fait les courses au dehors. Grasse, blonde, rose, un vrai petit mouton frisé, avec des cheveux de soie pâle, très gracieuse, très câline, et d’une continuelle gaieté. Bile aime bien son mari, dit-on, ce qui ne l’empêche pas, quand un boursier de la clientèle lui plaît, d’être tendre, mais pas pour de l’argent, uniquement pour le plaisir, et une seule fois, dans une maison amie du voisinage, passage des Panoramas. Les heureux qu’elle fait doivent se montrer discrets et reconnaissants, car elle reste adorée, fêtée, sans un vilain bruit autour d’elle [26]. Saccard lente inutilement de l’avoir [283]. (L’Argent.)

Coquart (Les). — Propriétaires de la ferme de Saint-Juste, le père, la mère, trois fils et deux filles. Cultivent eux-mêmes leur ferme, mais réussissent mal, tant la terre rapporte peu [100]. ils sont forcés de vendre [473]. (La Terre.)

Coquet (Le Ménage). — Voisins des Lorilleux, rue de la Goutte-d’Or. S’entêtent à allumer leur fourneau sur le carré, doivent trois termes et se font donner congé [71]. (L’Assommoir.)

Corbière (Comte de). — Propriétaire du Paradou. Quand il est mort, on a confié à Jeanbernat, son frère de lait, la garde de cette sorte de parc de la Belle au Bois dormant [52]. (La Faute de l’abbé Mouret.).

Corbreuse (Duc de). — Propriétaire d’une écurie de courses [384]. (Nana.)

Cornaille. — Le premier marchand de nouveautés de Valognes. C’est chez lui que Denise Baudu a appris le commerce [2]. (Au Bonheur des Dames.)

Cornemuse. — Cheval de courses. Gagne le prix de la Ville de Paris [398]. (Nana.)

Cornille. — De la société Cornille et Jenard, qui exploitait au dix-huitième siècle la concession minière de Joiselle, réunie en 1760 à deux concessions voisines, celles du comte de Cougny et du baron Desrumaux, pour former la Compagnie des mines de Montsou [83]. (Germinal.)

Cornille (Abbé). — Prêtre de la cathédrale de Beaumont [169]. Un bon abbé aimé des fidèles, il marie Félicien de Hautecœur et Angélique Marie. (Le Rêve.)

Correur (Madame Mélanie). — Une des plus .vieilles amies du ministre Rougon. Dame fort respectable, face trop rose, front couvert de petits frisons de poupée blonde, cou gras encore très beau, malgré ses quarante-huit ans [7]. C’est une demoiselle Martineau, d’une bonne famille de Coulonges, en Vendée, et elle ne s’explique jamais sur son nom de Correur. A vingt-quatre ans, elle s’est enfuie avec un garçon boucher; depuis ce temps, elle est morte pour sa famille [58]. On la retrouve tenant l’hôtel Vaneau, rue Vaneau [33], où elle a eu des faiblesses pour Eugène Rougon, alors à ses débuts. Depuis que le grand homme est arrivé aux honneurs, elle fait partie de, sa bande, poussant une foule de protégés, obtenant des bureaux de tabac, des pensions, des faveurs de toute nature, faisant d’ailleurs plusieurs métiers lucratifs, avec deux appartements, un rue Blanche, l’autre rue Mazarine, où les fonctionnaires influents trouvent des femmes aimables [228]. Cette vieille aventurière qui a été toute la jeunesse du chaste Bougon compromet à plaisir cet homme arrivé, et, pour hériter plus vite d’un frère qui ne se dévide pas à mourir, elle finit par enlizer le ministre dans la sale affaire Martineau, une abominable arrestation qui ressemble à un assassinat [360]. Madame Correur réalisera bientôt une de ses idées fixes, qui est de se montrer à Coulonges, en femme cossue et respectée. (Son Excellence Eugène Rougon.)

Cosinus. — Cheval de courses. Engagé dans le Grand-Prix de Paris [384]. (Nana.)

Cossard (Le Père). — souffleur aux Variétés. Un petit bossu [306]. (Nana.)

Coudeloup (Madame). — Boulangère rue des Poissonniers [203]. Fournit les Coupeau jusqu’au jour où Lantier décide qu’on achètera du pain riche à lu boulangerie viennoise [316]. (L’Assommoir.)

Couillot (Les). — Paysans de Rognes. Leur fils a le numéro 206 au tirage au son [458]. (La Terre.)

Cougny (Comte de). — Possédait au dix-huitième siècle la concession de Cougny, réunie en 1760 à celle de Joiselle (Cornille et Jenard) et à celle de Montsou (Desrumaux, Fauquenoix et Cie), pour former la Compagnie des mines de Montsou [83]. (Germinal.)

Coupeau (Maman). — Mère de madame Lerat, de madame Lorilleux et de Coupeau. Ancienne giletière, fait des ménages à cause de ses yeux qui s’en vont [52]. C’est une grosse femme dont les enfants s’entendent mat et qui cherche à raccommoder tout le monde, heureuse de trouver cent sous chez les uns et chez les antres [138]. A soixante-sept ans, ses yeux sont complètement perdus. Gervaise la recueille [202]. Elle aime les bons morceaux, boit la goutte en compagnie de sa belle-fille, s’entend bien avec elle, puis, hostile au fond, elle en dit pis que pendre, se plaint constamment aux Lorilleux. parvient à faire battre toute la famille [353], assiste à la déchéance du ménage Coupeau et se charge de tout porter au clou, où les employés la connaissent sous le nom de la mère Quatre-Francs [364]. Un asthme qui la met au lit pendant deux ou trois semaines tous les ans finit par remporter; elle meurt une nuit où sou fils est rentré ivre mort et elle est ensevelie par Gervaise et Lantier [377]. (L’Assommoir.)

Coupeau (l). — Né en 1824 à Paris, 22, rue de la Goutte-d’Or [53]. Fils de maman Coupeau, frère de madame Lerat et de madame Lorilleux. Mari de Gervaise Macquart. Père d’Anna Coupeau, dite Nana. Ouvrier zingueur. A vingt-six ans, c’est un garçon très propre, à la mâchoire inférieure saillante, au nez légèrement écrasé, il a de beaux yeux marrons, la face d’un chien joyeux et bon enfant. Sa grosse chevelure frisée se tient tout. debout. [40]. De caractère faible, tremblant devant les Lorilleux, il vit sans se soucier de l’avenir, il a une drôlerie gouailleuse d’ouvrier parisien, c’est un bon sujet, très sobre, on le surnomme Cadet-Cassis parce qu’il prend généralement du cassis, quand les camarades le mènent de force chez le marchand de vin [52]. Son père, ouvrier zingueur comme lui, s’est écrabouillé la tête un jour de ribotte en tombant de la gouttière du n° 25 de la rue Coquenard et ce souvenir rend sage toute la famille [48].

Coupeau habite à l’hôtel Boncœur. II y rencontre Gervaise Macquart, qui vient d’être abandonnée par Lantier; il en ferait bien sa maîtresse, mais comme elle refuse, il l’épouse. Le ménage travaille courageusement pendant quatre ans, le mari ne se dérangeant pas, rapportant ses quinzaines [140]; une fille est venue, Anna ; on a mis six cents francs de côté, Gervaise va s’établir, lorsqu’un malheur survient [146] : Coupeau tombe du toit d’une maison de trois étages, rue de la Nation. Sa convalescence dure quatre longs mois ; la paresse l’a envahi, il a même refusé d’apprendre à lire pendant les interminables journées où il restait étendu, à ne rien faire. Très vexé de sa chute, il s’indigne contre cet accident qui n’aurait pas dû arriver à un homme à jeun [153], il a une rancune sourde contre le travail, trouve une joie à ne rien faire, va blaguer les camarades au chantier et se met à boire.

Gervaise a pu s’établir en empruntant de l’argent. Coupeau ne travaille plus que par à-coups; il a commencé par ne prendre que du vin, il rentre éméché, puis les cuites s’accentuent, il vil dans un perpétuel mal de cheveux qui lui enlève toute énergie et le lient altéré, rôdant chez tous les marchands de vin du quartier [192]. Les Lorilleux ont repris sur lui leur ancienne influence et désunissent sournoisement le ménage. Coupeau ne se gêne plus ; du vin il passe à l’eau-de-vie, il devient un fidèle client du père Colombe; ce sont maintenant des ivresses blanches. La boisson l’a rendu tout à fait coulant sur le chapitre de la fidélité conjugale; il a ramené Lantier chez lui, l’a réconcilié avec Gervaise et ce sont des noces à tout casser entre les deux hommes, une promiscuité où Coupeau achève de perdre toute dignité. Il ne touche plus aux outils, mange beaucoup, prospère dans l’alcool, il a engraissé, sa face d’ivrogne se culotte, ses cheveux maintenant poivre et sel, en coup de vent, flambent en brûlot, il lui faut sa pâtée matin et soir, il ne s’inquiète pas d’où elle lui tombe.

Coupeau assiste indifférent à la lente déchéance de sa femme; il a pleuré comme un veau devant sa mère morte [378], mais rien ne peut plus le corriger, les ravages de l’alcool s’accentuent, il lui faut une chopine d’eau-de-vie par jour, son teint se plombe, ses mains se mettent à trembler. On l’a transporté à Lariboisière, pour une fluxion de poitrine ; on est obligé de l’envoyer à Sainte-Anne, il a le délire. Sept fois en trois ans, il subit cet internement chez les fous, ne sortant que pour voir Gervaise de plus en plus avachie, l’habituant à boire, la poussant à la prostitution, provoquant par ses grossièretés la fuite de Nana. C’est le relâchement complet, l’anéantissement de la famille. A cette époque, le poison achève son œuvre. Le corps du malheureux, imbibé d’alcool, commence à se ratatiner. Les joues creuses, les yeux dégoûtants, l’ancien zingueur passe courbé, vacillant, vieux comme les rues. Il est devenu sourd d’une oreille en quelques jours, sa vue baisse, puis ce sont des paralysies partielles [500]. Agé de quarante-quatre ans, Coupeau finit par mourir à l’asile Sainte-Anne, dans un dernier accès de folie alcoolique [566].

(l) Coupeau, ouvrier, de famille alcoolique, marié en 1852 à Gervaise Macquart. (Arbre généalogique des Rougon-Macquart.)

Coupeau (Madame). — Voir MACQUART (Gervaise).

Coupeau (Anna). — Voir NANA.

Coupeau (Louis). — Voir LOUISET.

Courajod. — Maître paysagiste, l’auteur de la Mare de Gagny, un tableau du Luxembourg [175]. C’est un vieil artiste disparu avant sa mort, et qui se survit, retiré dans une petite maison de la rue de l’Abreuvoir, derrière Montmartre, au milieu de poules, de canards et de chiens. Ce maître, qui a inventé le paysage moderne, vit là, inconnu, fini, terré comme une taupe; ses quatre-vingts ans l’ont rapetissé à la taille d’un gamin, il a tout oublié, l’évocation de sa gloire par Claude Lantier lui fait peur, il la repousse par des paroles sans suite, mâchonnées entre ses gencives, un zézaiement de vieillard retombé en enfance [349]. (L’Œuvre.)

Coutard. — Soldat d’infanterie. Appartient à la deuxième division du ler corps, battue le 4 août 1870 à Wissembourg. 11 lavait sa chemise, ses camarades faisaient la soupe, quand les obus se sont mis à pleuvoir sur les marmites. Jusqu’à onze heures, on s’est cru vainqueur, mais les cinq mille hommes d’Abel Douay ont été assaillis par de vraies fourmilières de soldais ennemis, des files de fourmis qui submergeaient tout. On s’est retranché sur le Geissberg, on a tué beaucoup de Prussiens ; ils sautaient en l’air, ça faisait plaisir de les voir retomber sur le nez, mais il en arrivait toujours, dix hommes contre un, du canon tant qu’on en demandait. Il a bien fallu déguerpir [62]. Puis, après la surprise imbécile de Wissembourg, c’est l’écrasement de Frœschwiller, l’effroyable déroute, et l’on retrouve quinze jours plus tard, près de Reims, le soldat Coutard et son camarade Picot, du 7e corps, tous deux en loques, couverts de boue, pareils à des bandits las de rouler les routes. Ils rallient leur régiment le 22 août. (La Débâcle.)

Grasse (La). — Surnom d’un professeur du collège de Plassans. Les élèves l’ont appelé ainsi parce qu’il teignait les chaires en noir, du continuel frottement de sa tête [37]. (L’Œuvre.)

Crèvecœur. — Marchand de dentelles, rue du Mail Henri Deloche quitte sa maison et entre au Bonheur des Dames, le même jour que Denise Baudu [69]. (Au Bonheur des Dames.)

Cron. — Charretier à Vendôme. Père de Léonie Cron. On l’appelle Cron le cocu [411]. (L’Argent.)

Cron (Léonie). — Une fille de Vendôme, séduite par un noble ruiné, le comte de Beauvilliers. Est restée sans un sou à la mort du comte, avec un chiffon de papier inutile, une reconnaissance de dix mille francs, payable à sa majorité, mais légalement sans valeur. Dévorée du désir de venir à Paris, elle a, moyennant une somme infime, cédé à l’usurier Charpier cette reconnaissance nui tombera plus tard aux mains de Busch. Celui-ci fait rechercher Léonie, successivement bonne à tout faire chez un huissier, un boucher, une daine galante, un dentiste, chassée de partout pour inconduite notoire, complètement disparue [155], puis enfin, après dix ans de prostitution, retrouvée dans une maison publique de la rue Feydeau, où elle porte le nom de Léonide. C’est une grosse fille, aux durs cheveux noirs tombant sur les sourcils, à fa face plaie et molle, d’une bassesse immonde [318]. Et, moyennant la promesse d’un don de mille francs, elle consent à être l’instrument de Busch dans le chantage qu’il prépare contre la comtesse de Beauvilliers [411]. (L’Argent.)

Cuche (Famille). — Pêcheurs habitant Bonneville et ruinés par une tempête qui a détruit leur maison. Cuche s’est réfugié chez ses cousins Gonin où il sera bientôt maître de la maison, la paralysie du mari lui livrant la femme et la barque [128]. Il vit maritalement avec sa cousine, la femme Gonin, rouant de coups le mari infirme, provoquant sans doute sa mort [428].

La femme Cuche est allée s’installer au fond d’un poste de douaniers tombé en ruine et, malgré sa laideur repoussante, elle couche avec tout le pays. L’enfant, âge de trois ans, a suivi sa mère et vit avec elle dans une affreuse promiscuité. A douze ans, c’est un galopin efflanqué, maigre de vices précoces [127], secouru par Pauline Quenu qui fait beaucoup de bien dans le pays. A dix-sept ans, il est devenu robuste, mais refuse absolument de travailler, par haine de la servitude. Sa mère, aujourd’hui contrefaite et boitant affreusement, se prostitue à tous les hommes pour trois sous ou pour un reste de lard [272]. Plus tard, enfin, comme elle est trop vieille et que les hommes n’en veulent plus, le jeune Cuche bat le pays pour lui amener du monde. Il porte pour tout vêtement une vieille culotte et un morceau de chemise déloquetée. Pauline lui a trouvé une place d’homme d’équipe sur la ligne de Cherbourg, mais le petit sauvage préfère ne pas manger et rester libre [426], vivant de rapines comme un loup. (La Joie de vivre.)

Cudorge (Mesdames). — La mère et la fille. Marchandes de parapluies rue Neuve de la Goutte-d’Or, voisines de Gervaise. Ne se montrent jamais [171]. (L’Assommoir.)

Cugnot. — Meunier de Chartres. Ruiné par un procès, il a envoyé sa fille faire fortune a Paris, avec vingt francs dans la poche [154]. (Au Bonheur des Dames.)

Cugnot (Pauline). — Fille du meunier. A débuté à Paris comme vendeuse, d’abord au fond d’un magasin des Batignolles, puis au Bonheur des Dames; de terribles débuts, toutes les blessures et toutes les privations. C’est une fille a figure large, l’air agréable. Vendeuse du rayon de la lingerie, elle gagne deux cents francs par mois, prend des plaisirs, laisse couler ses journées dans l’insouciance. Son premier amant fut un clerc d’avoué, qu’elle connut dans une partie, à Meudon; elle s’est mise ensuite avec un employé des postes et maintenant, elle fréquente un vendeur du Bon Marché, Baugé, chez qui elle passe toutes ses heures libres. Pauline n’a jamais qu’un amant à la fois, sa conviction est que les femmes vivant de leur travail ne peuvent se suffire, mais comme elle est honnête, elle s’indigne lorsqu’on parle de ces filles qui se donnent au premier venu [157]. Se rappelant ce qu’elle a souffert, les premiers mois, dans son rayon, elle est secourable à Denise Baudu, sans rien comprendre pourtant aux idées de la jeune fille, qui résiste à ses conseils pratiques avec un incroyable entêtement. Pauline finit par se marier avec Bauge, compromettant ainsi sa position au Bonheur des Dames, où l’on n’aime guère les ménages, où l’on traite les vendeuses mariées en sabots, en femmes perdues pour le commerce [397]. Devenue enceinte, elle passerait sans pitié à la caisse, si Denise, devenue toute-puissante, ne la sauvait du terrible Bourdoncle [431]. (Au Bonheur des Dames.)

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