De cette hauteur de la butte des Moulins, toute une grande moitié de Paris s’étendait sous eux, d’abord les quartiers du centre, du faubourg Saint-Honoré jusqu’à la Bastille, puis le cours entier de la Seine, avec le pullulement lointain de la rive gauche, une mer de toitures, de cimes d’arbres, de clochers, de dômes et de tours. Le jour grandissait, l’abominable nuit, une des plus affreuses de l’histoire, était finie. Mais, dans la pure clarté du soleil levant, sous le ciel rose, les incendies continuaient. En face, on apercevait les Tuileries qui brûlaient toujours, la caserne d’Orsay, les palais du Conseil d’Etat et de la Légion d’honneur, dont les flammes, pâlies par la pleine lumière, donnaient au ciel un grand frisson. Même, au-delà des maisons de la rue de Lille et de la rue du Bac, d’autres maisons devaient flamber, car des colonnes de flammèches montaient du carrefour de la Croix-Rouge, et plus loin encore, de la rue Vavin et de la rue Notre-Dame-des-Champs. Sur la droite, tout près, s’achevaient les incendies de la rue Saint-Honoré, tandis que, sur la gauche, au Palais-Royal et au nouveau Louvre, avortaient des feux tardifs, mis vers le matin. Mais, surtout, ce qu’ils ne s’expliquèrentpas d’abord, c’était une grosse fumée noire que le vent d’ouest poussait jusque sous la fenêtre. Depuis trois heures du matin, le ministère des Finances brûlait, sans flammes hautes, se consumait en épais tourbillons de suie, tellement le prodigieux amas des paperasses s’étouffait, sous les plafonds bas, dans ces constructions de plâtre. Et, s’il n’y avait plus là, au-dessus du réveil de la grande ville, l’impression tragique de la nuit, l’épouvante d’une destruction totale, la Seine roulant des braises, Paris allumé aux quatre bouts, une tristesse désespérée et morne passait sur les quartiers épargnés, avec cette épaisse fumée continue, dont le nuage s’élargissait toujours. Bientôt le soleil, qui s’était levé limpide, en fut caché ; et il ne resta que ce deuil, dans le ciel fauve.