Ce fut, pour Henriette, une angoisse terrible. Mon Dieu ! arrivait-elle donc trop tard ? Maurice n’ayant pas répondu à ses deux dernières lettres, elle avait éprouvé de si mortelles inquiétudes, aux nouvelles de Paris, de plus en plus alarmantes, quelle s’était décidée brusquement à quitter Remilly. Depuis des mois, chez l’oncle Fouchard, elle s’attristait ; les troupes d’occupation, à mesure que Paris avait prolongé sa résistance, étaient devenues plusexigeantes et plus dures ; et, maintenant que les régiments, un à un, rentraient en Allemagne, de continuels passages de soldats épuisaient de nouveau les campagnes et les villes. Le matin, comme elle se levait au petit jour, pour aller prendre le chemin de fer à Sedan, elle avait vu la cour de la ferme pleine d’un flot de cavaliers, qui avaient dormi là, couchés pêle-mêle, enveloppés dans leurs manteaux. Ils étaient si nombreux, qu’ils couvraient la terre. Puis, à un brusque appel de clairon, tous s’étaient dressés, silencieux, drapés à longs plis, si serrés les uns contre les autres, qu’elle avait cru assister à la résurrection d’un champ de bataille, sous l’éclat des trompettes du Jugement dernier. Et elle retrouvait encore des Prussiens à Saint-Denis, et c’étaient eux qui jetaient ce cri, qui la bouleversait :