Huit longs jours encore s’écoulèrent. Paris agonisait, sans une plainte. Les boutiques ne s’ouvraient plus, les rares passants ne rencontraient plus de voitures, dans les rues désertes. On avait mangé quarante mille chevaux, on en était arrivé à payer très cher les chiens, les chats et les rats. Depuis que le blé manquait, le pain, fait de riz et d’avoine, était un pain noir, visqueux, d’une digestion difficile ; et, pour en obtenir les trois cents grammes du rationnement, les queues interminables, devant lesboulangeries, devenaient mortelles. Ah ! ces douloureuses stations du siège, ces pauvres femmes grelottantes sous les averses, les pieds dans la boue glacée, toute la misère héroïque de la grande ville, qui ne voulait pas se rendre ! La mortalité avait triplé, les théâtres étaient transformés en ambulances. Dès la nuit, les anciens quartiers luxueux tombaient à une paix morne, à des ténèbres profondes, pareils à des faubourgs de cité maudite, ravagée par la peste. Et, dans ce silence, dans cette obscurité on n’entendait que le fracas continu du bombardement, on ne voyait que les éclairs des canons, qui embrasaient le ciel d’hiver.