A Mouzon, malgré cette leçon terrible, Maurice fut de nouveau hanté par son idée fixe de fuir. On était arrivé dans un tel état de lassitude, que les Prussiens durent aider les prisonniers, pour dresser les quelques tentes mises à leur disposition. Le campement se trouvait, près de la ville, dans un terrain bas et marécageux ; et le pis était qu’un autre convoi y ayant campé la veille, le sol disparaissait sous l’ordure : un véritable cloaque, d’une saleté immonde. Il fallut, pour se protéger, étaler à terre de larges pierres plates, qu’on eut la chance de découvrir près de là. La soirée, d’ailleurs, fut moins dure, la surveillance des Prussiens se relâchait un peu, depuis que le capitaine avait disparu, installé sans doute dans quelque auberge. D’abord, les sentinelles tolérèrent que des enfants jetassent aux prisonniers des fruits, des pommes et des poires, par-dessus leurs têtes. Ensuite, elles laissèrent les habitants du voisinage envahir le campement, de sorte qu’il y eut bientôt une foule de marchands improvisés, des hommes et des femmes qui débitaient du pain, du vin, même des cigares. Tous ceux qui avaient de l’argent mangèrent, burent, fumèrent. Sous le pâle crépuscule, cela mettait comme un coin de marché forain, d’une bruyante animation.