Pendant la journée, Jean n’avait eu que la préoccupation de surveiller Maurice, qu’il sentait capable de toutes les extravagances. Il avait bu, il parlait desouffleter un officier allemand, pour qu’on l’emmenât. Et, le soir, Jean, ayant découvert, dans les dépendances de la Tour à Glaire, un coin de cave libre, il crut sage d’y venir coucher avec son compagnon, qu’une bonne nuit calmerait peut-être. Mais ce fut la nuit la plus affreuse de leur séjour, une nuit d’épouvantement, durant laquelle ils ne purent fermer les yeux. D’autres soldats emplissaient la cave, deux étaient allongés dans le même coin, qui se mouraient, vidés par la dysenterie ; et, dès que l’obscurité fut complète, ils ne cessèrent plus, des plaintes sourdes, des cris inarticulés, une agonie dont le râle allait en grandissant. Au fond des ténèbres, ce râle prenait une telle abomination, que les autres hommes couchés à côté, voulant dormir, se fâchaient, criaient aux mourants de se taire. Ceux-ci n’entendaient pas, le râle continuait, revenait, emportait tout ; pendant que, du dehors, arrivait la clameur d’ivresse des camarades qui mangeaient encore, sans pouvoir se rassasier.